→ Aubinais Antoine

Antoine Aubinais est architecte HMONP, diplômé de l’ENSA Paris — Belleville en 2010, co-fondateur de Bellastock en 2006 et président de l’association jusqu’en 2012. Il a travaillé dans des agences d’architecture parisiennes, avant de se consacrer complètement au développement de l’association Bellastock.

site internet : https://www.bellastock.com/

Faire du rebut une ressource

Faire du rebut une ressource

Intervention d'Antoine Aubinais à l'occasion de la journée d'étude Habitat et précarité, le 17 mars 2016 à l'isdaT.

Présentation de la conférence

Bellastock est une association d’architecture expérimentale œuvrant pour la valorisation des territoires et de leurs ressources en proposant des alternatives à l’acte de construire. Elle travaille sur des problématiques liées aux cycles de la matière, au réemploi et à la préfiguration des transformations territoriales. L’association propose et met en place des alternatives architecturales innovantes, écologiques et solidaires, avec la volonté de les partager avec le grand public. Antoine Aubinais, co-fondateur de Bellastock, évoquera les initiatives menées dans le cadre d’Actlab (laboratoire manifeste du réemploi de Bellastock) situé au cœur de la ZAC du futur écoquartier Fluvial de l’Île Saint-Denis (Plaine Commune), il exposera quelques uns des prototypes d’aménagement à partir de matériaux réemployés, issus de chantiers du territoire de Plaine Commune.

Retranscription de la conférence

Le texte ci-dessous est une retranscription brute de l’audio de l’intervention. Elle n’a pas fait l’objet de réécriture de la part de l’intervenant.

Entretien entre Antoine Aubinais (architecte) , Intervenant 1 , Intervenant 2 , Intervenant 3 et
AB

"Je vais vous présenter rapidement l'association, qui existe depuis 10 ans. Je m'appelle Antoine, je suis architecte.

On est dix archis, on a commencé en 2006, juste avec la volonté d'aller sur le terrain, toucher la matière et construire par nous même. On a monté un événement d'archi qui réunissait au départ une centaine d'étudiants, à qui on demandait de participer à un exercice assez simple, qui était de faire la conception, de construire et puis de vivre dans leur habitat pendant les quatre jours et puis on déconstruisait l'ensemble.

Donc chemin faisant, ça grandit un petit peu et on commence à se questionner sur les matériaux qu'on utilise pendant le temps de l'événement, comment les détourner quatre jours mais les restituer intacts à la fin de l'événement ? C'est là qu'on a commencé à s'intéresser aux cycles de la matière et c'est les premières fois où on a commencé à faire de la récup', de la débrouille, on avait très peu de budget donc il fallait accueillir ces quelques 400 personnes sur un site où nous on devait construire avec ce qu'on trouvait un peu autour de nous.

En 2010, on commence à s'interroger : on met un sujet et un matériau au centre de notre recherche pendant l'année, là c'était sur la question de la construction en sable. Et du coup, on a cherché autour de Paris les sites d'extraction de sable et on s'est directement implanté sur le site en utilisant la matière qui était sur le sol pour pouvoir faire nos constructions. Dernier jour de l'événement, on découpe les sacs, la matière revient au sol et donc on a un impact qui est quand même minimum. Tout ça est inspiré d'une technique d'un architecte iranien qui s'appelle Nader Khalili. Ces techniques de constructions de l'urgence, ça se construit assez rapidement et donc c'était la première fois où Bellastock allait s'interroger sur comment l'événement peut s'appliquer sur un territoire en fonction du sujet choisi.

La bonne surprise, c'est qu'au fur et à mesure, il y a des étudiants qui sont échange, qui participent aux événements en France et qui ramènent le concept dans leur pays. Donc aujourd'hui, ça crée une espèce de petits réseaux de jeunes archis aux quatre coins du globe, qui s'interrogent sur quelles matières, quelles ressources j'ai disponible, comment est-ce que je peux organiser des événements de construction, donc quelle logistique ça implique et petit à petit on constitue un réseau où on échange sur ces questions de ressource, de débrouille et de récup'.

En 2012, on la chance de faire l'événement sur l'île Saint-Denis. On allait accueillir un millier de jeunes architectes - puisque ça avait continuer à grandir l'événement et on était à proximité des hangars Printemps, qui se partagent l'île avec les hangars Lafayette, ce qui en fait un territoire assez hostile, où la moitié de l'île a disparu de la carte mentale des gens qui y vivent, c'est une partie qui non-visible, j'y reviens après, on verra ça sur plan. Et on a eu la chance de pouvoir piocher des matériaux dans ce hangar pour construire les équipements dont avait besoin pour accueillir les participants, notamment les luminaires. Les luminaires n'ont été construits qu'à partir de cette matière, et c'est là où ça a enclenché le projet ActLab, j'y reviendrai après.

Ensuite en 2013, on est allé à Vitrolle, dans le Sud de la France, dans un quartier un peu difficile où là, on s'est essayé à ramener toute l'énergie qu'on déployait sur un événement de construction qui était le festival, comment le ramener dans un quartier et développer la question du chantier ouvert/chantier collectif de manière à ce que les habitants prennent de l'intérêt par rapport à ce qu'on était en train de mettre en place, et que nous on se confronte aussi à leurs avis et qu'on intègre leurs idées dans notre design, qui n'était pas figé mais qui avançait comme ça, au fil des jours.

Ca, c'est la partie un peu pédagogique qu'a Bellastock et qui fait qu'aujourd'hui, l'association bosse avec toutes les écoles d'archi, écoles de design ou d'art, principalement à Paris mais aussi un peu dans les écoles en province. Et l'autre partie, qu'on est en train de développer - tout ce qui est dans les événements, c'est plus de la récup' de petits objets, puisqu'il faut construire en une journée et dormir en dessous le soir venu, donc on ne peut pas se permettre de bosser sur des éléments aussi lourds que ce qu'on fait avec ActLab, qui est le réemploi en architecture - quand on déconstruit un bâtiment, comment récupérer des éléments et construire avec ces matériaux pour un projet futur ?

Ca, c'est le hangar dont je vous parlais tout à l'heure où on est allé piocher deux trois tuyaux pour faire un luminaire. Ca a donné des idées aux élus, qui nous ont dit : est-ce que vous voulez un peu plus loin que juste un luminaire, et suivre la déconstruction de ce bâtiment, qui va prendre deux ans, et essayer de voir comment vous pouvez récupérer des matériaux de ce bâtiment pour les intégrer dans l'écoquartier qui va être construit à la place de ce hangar. Ca, c'est où est située l'île Saint-Denis par rapport à Paris, au Nord.

Voilà le hangar, il y a une autoroute qui passe, on a Lafayette de l'autre côté et donc le lieu un peu hostile dont je vous parlais tout à l'heure, c'est toute cette bande, qui est bloquée entre une rue avec énormément de bagnoles et ces deux emprises industrielles qui vont être vouées à la déconstruction et qui vont accueillir un écoquartier. Sachant que la population de l'île va quasiment doubler, donc nous on mène un parallèle sur comment utiliser ces matériaux et comment aussi faire en sorte de créer le lien entre les futurs habitants, les habitants qui vivent aussi et sensibiliser sur ces questions de réemploi, pourquoi est-ce qu'on fait ce genre de démarche.

Donc on a dix ans pour bosser, entre le hangar qui est en haut, le nouveau quartier à venir et comment travailler sur ce temps de la mutation, ce temps du chantier, à la fois en réemployant la matière et à la fois on a un travail sur comment est-ce qu'on peut influencer l'aménagement en venant occuper le lieu. C'est à dire que de manière conventionnel, un chantier on le bloque pendant dix ans, donc c'est un territoire qui est gelé, le projet arrive, on ouvre et on impulse programmes et on espère que ça marche. Donc là nous la démarche, c'est plus de créer le contenu dès maintenant, on commence à occuper le lieu, on ramène des gens, artistes - vous le verrez par la suite dans la présentation - et petit à petit, on adapte le contenant au contenu qu'on a généré. Donc voilà comment on a travaillé et là, on est au tout début de l'arrivée du nouveau quartier. On a déjà récupéré les matériaux au-dessus et je vais vous montrer comment est-ce qu'on s'y est pris pour récupérer la matière.

Le processus : c'est d'abord une petite alcôve, celle qui est rayée jaune et blanc. On suit la déconstruction de la première partie du hangar.

On commence à stocker un peu de matériaux dans notre zone et la seconde partie du hangar est démontée. Pendant ce temps là, il y a des tas de béton, puisqu'aujourd'hui, dans une démolition classique, on broie le bâtiment, on met le béton d'un côté, les ferraillages de l'autre, et puis on évacue. Ou alors, on prend le béton, on le rebroie en petit granulats qu'on met sous les routes par exemple et ça pour eux, c'est vertueux, c'est une manière de faire du recyclage. Nous on veut essayer d'aller plus loin et de voir comment est-ce qu'on peut récupérer des éléments du bâti.

Là, on est rendu à ce stade là, ils vont commencer la construction de l'écoquartier qui va venir depuis le fond du site.

Voilà le bâtiment en 1965, il est démoli en 2013, la structure est saine, le bâtiment aurait très bien pu rester, mais pression immobilière oblige, on va construire un écoquartier à la place. Tout le boulot qu'on mène sur ce site, c'est comment finalement essayer d'être le plus économie possible par rapport à cette déconstruction et faciliter le transfert de la matière depuis la déconstruction jusqu'au prototype qu'on fait pour l'écoquartier.

Ca implique une chose, c'est de ne plus voir ce bâtiment comme un potentiel lieu de déchet, il faut le voir comme une carrière et comme un lieu où on va pouvoir extraire nos gisements, les transformer, puis les remettre en œuvre. Donc on se situe entre l'offre, qui est ce qu'on a dans le bâtiment et puis la demande, qui est l'écoquartier et nous on est un peu la diagonale, comment on fait le cheap entre les deux.

Première étape, on a commencé par diagnostiquer le bâtiment, on l'a décortiqué, on l'a scanné en gros, et on a regardé comment il était constitué. Ca par exemple, c'est la fiche qui correspond aux poutres du hangar. On montre où elles sont placées dans le hangar, ensuite on fait une petite fiche descriptive, on explique son poids, sa taille, on donne aussi des conseils à l'entreprise qui va la déconstruire, pour lui dire : voilà, si on veut récupérer l'élément de telle manière, il faudra couper sur les bouts, sangler, etc. Donc on accompagne aussi l'entreprise de déconstruction, de manière à pouvoir récupérer l'élément le plus intact possible et en fonction de ce que nous, nous avions déjà imaginé comme prototype pour pouvoir faire à partir de ces matériaux. Donc ça veut dire que déjà, quand t'es en train de visiter le bâtiment, tu es déjà en train de projeter ce que tu pourrais faire avec ces éléments, et c'est là où tu fais du projet en t'imaginant déjà comment ils vont le déconstruire.

Ensuite, on regarde le projet de l'écoquartier, on regarde où on pourrait implanter ces prototypes faits à partir des matériaux issus de la déconstruction. Je vous passe les détails, mais là on peut retenir qu'il y a des passerelles, qu'il y a un système de granulage à faire et des places avec des systèmes de dallage, je vais vous montrer pourquoi ça a son importance.

Ensuite, nous on passe nos journées à faire de la démolition, on fait des relevés de la matière, comment ça se déplace, quelle(s) machine(s) ils utilisent et comme c'était pilote comme projet, on n'avait le droit de ne récupérer qu'1 % du bâtiment, tout le reste était fait de manière conventionnelle. Mais ce qui va être intéressant pour nous maintenant, ça va être de comparer ce qu'ils ont dépensé et utilisé pour le faire de manière conventionnelle et ce que nous on a réussi à faire comme économie. Là, on est en train de faire justement toutes ces questions de calcul et d'évaluation.

En haut on a le système basique de démolition, c'est récupérer l'élément, le concasser jusqu'à le retransformer en petits granulats. Et nous, on a essayé de voir comment les machines utilisées pour déconstruire, on pouvait les utiliser pour construire le lieu ActLab et pouvoir faire ces six prototypes et en même temps s'économiser l'énergie qu'on a sur les dernières opérations en haut de re transformation de la matière, parce que broyer du béton, vous imaginez bien que ce n'est quand même pas sans coup.

On a commencé d'abord par aller chercher les plantes qu'il y avait sur le hangar, parce que ça faisait dix ans qu'il n'était plus en exploitation, donc il y avait un écosystème qui s'était déployé, des mares, des canards, des arbres. Et on a conservé le plus qu'on pouvait de plantes, on les a mises en baignoire en attendant de pouvoir les planter puisqu'il fallait aussi pouvoir régénérer le sol, puisqu'on était sur un sol de friche, donc complètement inerte, c'était complètement mort. Donc on a passé un partenariat avec les espaces verts de l'île Saint-Denis, qui nous ramène tous leurs déchets verts, chaque semaine, donc dû à l'élagage ou la tonte. On a réparti un tapis sur le sol et petit à petit la vie est en train de revenir comme vous le voyez et les plantes, on a pu les transférer de baignoire à bacs avec de la terre.

L'une de nos missions, c'est de fournir six prototypes à l'écoquartier avec des matériaux issus du hangar. Le premier, c'est cette passerelle, qui est faite avec les poutres IPN, les poutres rouges sur lesquelles les fringues de Printemps courait à l'intérieur du bâtiment et les tuyaux verts, c'est le système incendie du bâtiment, ça s'appelle les sprinklers. Donc on les a récupérés, on a un fait le prototype. A chaque fois qu'on fait un prototype on fait un événement, au moins quand on a eu fini les six, de manière à ce qu'on invite l'urbaniste en charge de l'écoquartier et lui pointe du doigt la partie où il a décidé de mettre une passerelle en lui disant : tu peux compter sur nous s'il y a une passerelle à construire dans les prochaines années. Donc c'est toujours le jeu d'aller prendre le gisement, montrer ce que tu fais et puis savoir à quel moment ça pourra s'intégrer dans le projet à venir. Avec une petite photo de la manière dont ça a été réalisé.

Autre prototype, c'est la récupération des poteaux du hangar. Comme vous le voyez dans le projet à la fin, il y a tout un système de gradinage puisque comme on est sur une île, il y a tout un travail paysager sur l'accès à la Seine. Et donc on leur a proposé d'utiliser les poteaux pour faire tous les système de gradins, de manière à conserver de la matière sur place. Avec une spécificité, c'est que pour pouvoir nettoyer les poteaux - parce que vous voyez, il y a les fers à béton qui dépassent, qui sortent un peu de chaque côté - on se les ai fait empiler comme des Kapla, des jeux pour enfants, ce qui nous permet de les nettoyer pour que cette matière soit utilisée dans cinq ans. Donc on utilise la matière et le stock de cette matière pour en faire un lieu dans ActLab qui est une salle d'exposition à ciel ouvert, ce qui nous a permis de les nettoyer et pendant cinq ans, on expose ce que les designers venus sur le ActLab ont fait. Et l'intérieur, on l'a remplis avec des tuiles plates qu'on a récupérées sur un projet à côté.

Autre proto, qui est intéressant en terme de volume. Vous voyez les poutres du hangar, elles avaient une forme un peu ovoïde, ovale. Quand il les détruisent, il les coupes sur le côté, la poutre vient s'abattre sur le sol et là, au moment où il n'y a pas les ferraillages - le métal contenu à l'intérieur - ça dégage des pierres de béton, qu'on a récupérées. On a fait des calculs sur le nombre de volume de pierre et le gabarit sur chacune de ces poutres pour pouvoir en faire des opus incertum, des voies romaines à l'ancienne, ce qui permet de récupérer... Malheureusement, on a pu récupérer vingt poutres alors que la bâtiment - vous l'avez vu sur la fiche diagnostic - si on avait pu tout faire, on aurait pu quasiment faire toutes les voies de l'écoquartier grâce à ça. Malheureusement comme c'était un test, il fallait d'abord qu'on prouve que c'était possible, crédible, que ça valide tout un tas de questions techniques d'entretien. Mais fort de cette expérience, on est en train de répéter ça dans plein d'endroits autour de Paris.

On a constitué le lieu. Il nous fallait bien évidemment pour transformer cette matière un atelier, une zone aussi pour les réunions, etc. Donc on a composé notre lieu qu'à partir de matériaux qu'on a chopés dans le hangar. Par exemple ça qui va devenir l'atelier, c'est des poutres qu'on a pu récupérées. Tout ce qui est ferme en bois, c'est pareil, on les a récupérés sur un autre projet. Et on a commencé à constituer ActLab avec des matériaux qu'on a récupérés à droite à gauche dans les hangars. Là vous avez les fiches avec les matériaux, où on les a récupérés et comment on les a mis en place. Sachant qu'il y a trois zones importantes sur ActLab : on a la zone d'atelier qui est la zone où on stocke et on transforme. On remet en œuvre dans la zone Showpark, c'est la zone où en gros on met en valeur ce qu'on a créé comme prototype. Et l'observatoire, c'est plus la zone réunion, rencontre, où les habitants sont aussi conviés, et ainsi de suite.

Voilà comme c'est constitué, il a évolué dans le temps et les endroits où les prototypes sont mis en scène dans le ActLab.

Bien évidemment, une fois qu'on avait réalisé tous ces prototypes, il fallait faire l'ensemble des dessins techniques pour pouvoir proposer finalement à l'urbaniste en charge de l'écoquartier de pouvoir réimplanter les prototypes qu'on avait réalisé.

Ca c'en est en autre, ce sont les jardinières en pierre sèche, on a fait des jardinières avec des pierres de béton. Là, c'est le test 1 et par exemple là on a accueilli les services techniques de l'endroit sur lequel on l'a fait, qui nous ont dit : petit problème, les pierres qui peuvent être enlevées de la jardinière peuvent servir à caillasser. Donc là, on en a une nouvelle, on met les pierre en angle qui pèse 40kg, donc on les met à trois et après on met des pierres sur champ et on les bloque comme un système de voûte, ce qui fait que c'est inenlevable. Donc nous aussi on apprend petit à petit les quelques règles qu'on va devoir respecter si on veut qu'un jour ça sorte de l'expérimental et que ça aille dans l'espace public, il y a encore tout un chemin pour nous à faire, mais on est en bonne voie.

Voilà le lieu aujourd'hui, on a récupéré les skydomes qu'il y avait sur le toit, on s'en est fait une façade, c'est un peu globuleux mais ça permet d'avoir de la lumière. On a récupéré des tuiles sur un chantier à proximité. L'avantage d'être identifié comme l'équipe d'archis réemploi du coin, c'est que maintenant, tous les chantiers alentour nous appellent dès qu'il y a un gisement, une mauvais commande, donc on récupère du matos neuf, dès que des tuiles encore un bon état doivent être changées, ça nous a permis de construire notre toiture.

Là toutes les fenêtres que vous avez, elles sont récupérées sur un bâtiment à une centaine de mètres du projet, les tôles de couleur, on les a trouvées sur une sorte de cube électrique et ils allaient les jeter, on passait par là et ils nous ont dit : si vous voulez, vous pouvez les récupérer. Donc là, on est quasi - à part les gros bassins en bois, qu'on a achetés quand même parce qu'il fallait assurer un minimum et c'est pas le genre de gisement facile à trouver - mais tout le reste quasiment est fait 100% réemploi.

Ensuite, un des aspects, ce sur quoi on a beaucoup travaillé pendant ce projet, c'était la question des flux de matériau, c'est à dire bien comprendre comment le matériau depuis le lieu de démolition jusqu'à son système de stockage, son lieu de transformation et sa remise en œuvre - ça c'est la lampe qu'on a fait pour le festival, dont je vous parlais au tout début, qu'on a fait avec le réseau sprinkler et les skydomes du toit.

Ca nous a demandé un énorme boulot d'analyse de tout ce qu'on allait utiliser. Parce que forcément, l'une des critiques et craintes dans la question du réemploi, c'est le temps que ça demande par rapport à la récupération de ce matériau, comment le transformer, le revaloriser et ainsi de suite. Donc nous, on a fait tout un travail pour quantifier - on a fait ça avec une illustratrice scientifique - le temps de chacune de ces étapes, quel outil on utilisait, et pouvoir finalement à la fin du processus, quand on va faire la balance - dire que certes ça a pris plus de temps, mais ça a créé plus d'emploi, au niveau de l'évacuation en transport, on a économisé tant, etc., on est encore en train de prouver... même si par bon sens, on se dirait que c'est plus économique ou plus intelligent, on est encore confronté à un système où tout est ficelé, donc dès que tu viens mettre un peu de changement là dedans, c'est un peu compliqué. Donc on doit nous énormément prouver l'intérêt, même économiquement, de cette démarche.

Donc ça, c'est la première partie qui était plus technique. L'autre, c'est comment on occupe le temps du chantier, donc ne pas attendre 10 ans pour que le lieu ouvre, mais comment dès maintenant commencer à l'occuper.

Donc ça, c'était le premier événement qu'on avait fait sur cette zone. Là, il y avait 1.000 jeunes archis, on avait détourné des bouteilles, des palettes, de la moquette, du textile, c'était un peu tout ce qu'on avait réussi à collecter en région parisienne et avait utilisé les matériaux pendant quatre jours et on les avait restitués à Veolia et Sictom, qui étaient les partenaires à l'époque. C'était la première pierre de l'occupation des lieux.

Aussi on a joué avec les infrastructures du site et voilà ActLab. Donc l'idée, c'est de pouvoir amener d'autres disciplines sur le site. Là, c'est une masterclass qu'on a organisée il y a deux ans, où il y a des scénographes, des artistes, des designers, des archis, archis d'intérieur. Et on leur a demandé de travailler avec tous les matériaux qu'on avait récupérés dans le hangar, ce qui nous permettait nous d'avoir une autre approche. Et toujours avec cette même illustratrice scientifique qui demandait à chacune des équipes de nous dire combien de temps leur avait pris chacune des étapes de réalisation de chacun de leur projet.

Donc vous verrez qu'il y en a qui sont plus partis sur des éléments design et d'autres qui se sont plus intéressés sur des projets qui vont pouvoir servir le lieu, c'est la barrière de chantier. Donc ça, c'est deux scénographes qui ont décidé de plier cette espèce de longue barrière de quelques kilomètres et de ménager une ouverture et de créer une espèce d'accident dans la barrière pour attirer la curiosité des passants. Puisque c'est aussi l'un des points dans ce projet, c'est comment on travaille au fait que le réemploi puisse être accepté. Parce que parfois, nous on bosse majoritairement dans des quartiers difficiles et le retour qu'on a des gens, c'est pourquoi est-ce que c'est pour les populations les plus fragiles qu'on nous fout encore des matériaux de seconde main ? Là, c'est sûr qu'il y a un temps de dialogue pour expliquer l'intérêt que ça peut avoir, la qualité en terme d'histoire, de conserver l'histoire d'un lieu, la qualité même esthétique que ça peut avoir. Et donc, on a tout un travail d'accompagnement de notre projet. On donne des cours dans les écoles de l'île Saint-Denis par exemple à des collèges et des primaires. Comme ça on les prend tout petits, on les forme au réemploi, comme ça on est sûr que quand ils vont grandir, ils connaîtront déjà l'intérêt.

On joue aussi avec le paysage. On a organisé aussi des ballades. Pendant que les tas étaient en train de bouger, nous on faisait des chemins de randonnée qui permettait d'aller et de découvrir le territoire depuis des points hauts et tous les mois, c'était une rando différente. On avait bien sûr sympathiser avec les ouvriers en charge de la déconstruction, qui nous aidaient par exemple à aplanir ou à faire une espèce d'escalier. Mais c'est sûr qu'on s'est attiré aussi la sympathie de ces ouvriers, parce que eux, ils se caractérisent comme des effaceurs d'histoire, ils broient tout, ça ne dure pas longtemps. Et là nous, pour une fois, on avait eu l'autorisation par rapport à la maîtrise d'ouvrage de travailler avec les ouvriers et leurs machines. Donc on avait un budget, ce qui nous permettait de bosser avec eux pendant la mise en œuvre des prototypes. Et de transformer leur boulot de démolisseur en aussi des personnes capables de mettre en œuvre avec nous, ça a été très positifs et finalement, les gars nous ont accordé plus de temps qu'il était convenu dans nos budgets, et ont passé du temps à développer avec nous, même des nouvelles idées, parce qu'ils avaient la connaissance de leurs engins, la connaissance de la matière, comment elle réagit et ainsi de suite.

Là, c'est un artiste, Simon Boudvin, qui a réalisé un dolmen qui n'existe plus (malheureusement, un gars a foncé dessus en marche arrière), mais on pensait bien que ça allait survivre de années.

Ca, c'est un gars qui fait de la gravure, qui a pris les marques des dalles de l'opus incertum et il a archivé finalement chacune des pierres, ce qui nous a permis d'une part d'avoir les gabarits des pierres qu'on pouvait récupérer et de faire une exposition au sein d'ActLab.

Une fois qu'artistes, designers, ainsi de suite, ont fait leur production, nous on crée un événement. Donc là par exemple, c'était la Néo-primitive, c'était le premier événement qu'on faisait et on convie les élus, les ouvriers, les habitants, les petits qu'on a dans les cours, aussi le réseau d'archis qui suit Bellastock et on les réunis le temps d'une soirée pour qu'ils découvrent d'une part ce qui a été produit, qu'ils découvrent le chantier et puis aussi qu'ils puissent échanger sur la ville qui évolue, sur les questions de ressource. C'est hyper important pour Bellastock que l'archi ne soit pas un sujet en huis-clos que par les archis. Parce que finalement, on défend l'idée, c'est un peu une question qui devrait être plus publique parce que c'est finalement notre environnement à tous et donc ça fait partie de l'ADN de Bellastock, c'est que l'archi sorte des écoles et des lieux définis pour ça."

I1

"Pour quand la prochaine édition de Bellastock ?"

AB

"Ca sera du 12 au 17 juillet. Les inscriptions sont lancées à partir du 31 mars, il y a deux semaines pour s'inscrire, c'est ouvert à tout le monde. Et là on change un peu le principe, parce que c'est les 10 ans, on a transformé un peu le concept, ça ne va pas être de construire ton habitat, mais ça va être de construire un espace public avec 600 personnes, à Bobigny dans le Nord de Paris, près du canal. Et il y aura tous les collectifs d'archis français qui seront là pour préparer le lieu et qui encadreront le temps du chantier. Les collectifs ETC, Existe, Ca profite, etc."

I2

"Est-ce que sur ces dix ans d'exercice, est-ce que vous avez essayé de sortir un peu de Paris, d'aller dans d'autres régions, est-ce que vous vous intéressez à d'autres territoires ?"

AB

"On est allé à Vitrolles, là en ce moment, il y a une caserne qui se démonte à Nantes, on a un projet au Havre, oui on va un peu partout. Et puis on essaye aussi d'aller dans d'autres pays, mais quand c'est Bruxelles, on peut aller voir l'équipe bruxelloise de Bellastock pour les accompagner, mais quand c'est Chili, Mexique, nous on n'a pas les moyens de se payer des voyages là-bas. Donc oui, on essaye de bouger au maximum, on n'est pas fermé juste à la région parisienne. C'est par facilité au départ, comme on étudiait, on finissait nos études, on faisait tout au plus proche. Mais là en ce moment, on est bien identifié sur les questions d'expertise réemploi, du coup, il y a plein de projets qui se déclenchent en province.

- Une question sur la certification des matériaux, une fois qu'ils sont récupérés, il y a une démarche spéciale pour que les professionnels du bâtiment puissent s'en saisir et dire : ça, c'est le label norme bidule, l'opus incertum on a le droit de marcher dessus, etc.

- Ce qu'on a fait, il y une fille dans Bellastock, une des archis, qui écrit une recherche pour l'Ademe [Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie] sur ces questions de réemploi, monter la filière réemploi. La première année de sa recherche, c'était en amont : quels outils je peux offrir à un archi pour qu'il suive une déconstruction - c'est un peu les outils que je vous ai montrés - et comment récupérer la matière ? On est allé jusque là. La deuxième partie de la recherche qui court cette année, c'est justement sur la prescription de ces matériaux, et j'avoue que je ne suis pas assez renseigné, Julie serait beaucoup plus à même de répondre. Mais je sais que ce n'est pas évident, qu'on ne va pas pouvoir certifier mais on va pouvoir homologuer une manière de faire, parce que ce n'est pas des éléments industriels qui sont similaires, c'est plus des trucs de savoir-faire, comment on dépose, comment on fait des murs en pierre sèche, etc., et c'est plus sur ce champ là que nous, il va falloir qu'on développe sur nous, comment on a récupéré la matière, comment on l'a stockée, comment on l'a mise en oeuvre et c'est l'explication de tout ce processus qui fera que ces opus incertum pourront être homolgués, mais ils ne seront pas certifiés. Je ne sais pas si vous voyez la distinction à peu près, mais c'est un sacré boulot."

I3

"Est-ce que les organismes de certification se serve de votre travail pour faire des fiches et pour que ces matériaux puissent être valorisés en tant que tels ?"

AB

"Là, le CSTB [Centre scientifique et technique du bâtiment] fait partie de la deuxième partie de la recherche, donc il y a Ademe, CSTB et puis un membre du Bellastock, comme ça eux avancent avec nous et puis ils nous conseillent."

I1

"Parce qu'après, ces matériaux vont rentrer à nouveau dans le marché de la construction, c'est l'idée ?"

AB

"C'est l'idée parce qu'en 2020, il y a une règle qui va imposer que 70% des déchets de chantier soient recyclés ou réemployés, donc ça veut dire que ce sera une question pour tous les constructeurs, tous les gens qui font du chantier, donc ça va arriver forcément."

I2

"Dans la première expérience que vous avez réalisée, vous aviez accès à 1% des matériaux, sur les autres chantiers que vous avez, est-ce que ce quota a été augmenté, sachant que cette loi en 2020 va passer, donc forcément il faut qu'il y ait une évolution dans le temps que ce pourcentage là ?"

AB

"En fait, il fallait d'abord qu'on crédible avec ça, après 2012, au fur et à mesure. Donc c'est Plaine Commune, la communauté d'agglos, qui accueille ce projet. Ils ont d'autres projets, notamment en ANNRU, où ils démolissent des tours pour en construire des nouvelles - d'ailleurs on ne sait pas si ça sert à grand chose - et du coup on va là bas et le projet à Stains, on a récupéré des matériaux issus de la démolition des tours, on l'a mis de côté, on réalise trois prototypes, on ramène des artisans Bellastock sur le terrain, en même temps il y a la régie de quartier du Clos Saint-Lazare qui ramène des salariés issus du quartier qui se forment au contact des artisans Bellastock. On crée les trois prototypes, il y a plusieurs démolitions dans le temps, donc la première, on en récupère une infime partie, on fait les protos, fort de ce qu'on a réussi à faire et des gisements qui nous intéressent, sur la deuxième tour, on sera plus spécifique. En même temps, les trois prototypes, on les fait monter en qualité pour qu'ils respectent les règles pour pouvoir être dans l'espace public. Et en fait, ça marche en parallèle. Sur la troisième tour qui sera démolit, là on sera vraiment pro, on dira : il nous faut tel type de gisement, démonter de telle manière et il nous en faut temps. Et pendant ce temps, il y a le côté "humain", des gars de la régie de quartier, qui sont formés et qui pourront à terme, une fois que les trois prototypes seront prescrits - parce qu'on va pousser la prescription dans le quartier sur les espaces publics - les marchés seront lancés, la régie sera en mesure de répondre avec des gens du quartier pour faire ce type de chantier, parce qu'ils auront monté en compétences au contact des artisans Bellastock.

I2

"C'est une transmission de savoir-faire."

AB

"Oui, c'est ça, et l'intérêt de ça, plutôt que de démolir/reconstruire, ce qui crée pas forcément une économie au sein du quartier, qui n'améliore pas forcément le cadre de vie ou au moins l'emploi qui est très important dans ces lieux, là ce serait uns des enjeux. Petit à petit, on va augmenter les tonnages, mais là pour l'instant, c'est dérisoire. Par exemple, Plaine Commune, c'est 1,7 millions de tonnes de matériaux neufs qui rentrent chaque année, 1,7 millions de tonnes qu'on va foutre chez le voisin un peu plus loin, enfouir. Donc tu fais le calcul rapidement des coûts que tu peux économiser (sur le plan sociétal, environnemental, etc.)."

I3

Dans les discussions, négociations avec les collectivités, les politiques, etc., comment ça se passe ? Ca vous arrive d'avoir une attitude un peu sauvage vis à vis de ça ou c'est toujours bien réglé ?"

AB

On est sauvage sur l'événement du festival, où on obtient un site et après on fait un peu ce qu'on veut en terme de construction et de réalisation. Par contre, on met un point d'honneur à ce que tous les prototypes... non, je ne peux même pas dire qu'on soit sauvage sur l'événement, on fait tout dans les règles en fait, on essaye d'être réglo et sinon, ça serait considérer comme un truc marginal et n'a pas envie du tout. On veut au contraire que ça rentre dans une logique de construction, d'archis, etc., et les relations sont plutôt bonnes. Et d'ailleurs, c'est souvent même les politiques qui portent cette voix. Mais après derrière, les services techniques et compagnie ont du mal à nous suivre. Donc ce qu'ils voient en nous, c'est la possibilité de mettre en place ce qu'eux aiment bien vendre, je crois.

- On se rend compte qu'il y a un beau réseau qui se crée, il y a de belles relations et que ça se fait aussi en entretenant ce réseau, parce que vous devez sûrement recevoir beaucoup de finances pour pouvoir mettre tout ça en place et peut être en vivre, mais c'est vrai que ça, transféré à Calais, quelque part, peut être que ce serait encore plus fort, même si ce n'est pas les mêmes domaines, mais terme dans l'idée, si c'était réexploiter, si on pouvait imaginer cette réexploitation de réseau, parce que est-ce que il ne manque pas Calais un bon réseau avec des gens qui arrivent à construire quelque chose et que peut-être les gens qui étaient sur place et qui ont vu les conditions, comment tout se mettait en place, que ces gens là étaient à l'initiative peut-être même de logements mieux aboutis qu'un mec qui a remporté un appel d'offre.

I1

"Vous y êtes allé à Calais parce qu'on a vu vos matériaux."

AB

"Par exemple, nous notre contribution, qui est maigre, c'est quand Cyrille a eu besoin de gisement, justement notre porte est grande ouverte sur justement les synergies qu'on a entre chantiers, de gars qui nous appellent, c'est de pouvoir fournir de la matière. Mais malheureusement, l'asso est encore trop fragile, même si ça fait dix ans, on a fait du bénévolat pendant près de huit ans, et c'est tout jeune le fait qu'on puisse en vivre, en vivoter. Du coup, aller dans la jungle pour passer du temps, nous on ne peut pas se le permettre. On doit aller forcément où on est rémunéré. Après, à titre personnel, ça n'empêche pas qu'il y ait des mecs du Bellastock qui prennent une semaine de vacances pour aller aider, pas forcément dans la jungle, mais dans d'autres types d'asso, de construction et ainsi de suite. Mais Bellastock n'a pas encore les reins assez solide pour s'attaquer... même si je suis d'accord que le lien est là. Par exemple, quand on fait le festival, les premiers trucs qu'on installe, ce sont les réseaux, on fait hyper gaffe à l'évacuation de l'eau, tout ce qui est réseau électrique. On gère vachement bien la répartition de la matière sur site, c'est à dire comment être vachement dur avec le cadre de départ, mais être conscient qu'après, ça va être, pas un bordel, mais chacun va construire, faire son truc et ainsi de suite. Donc c'est sûr qu'on pourrait apporter là-bas, mais malheureusement nous on ne peut aller comme ça, gratos.

Mais par contre, le coup de réemployer dans le BTP, c'est notre petite pierre à l'édifice. C'est à dire que si c'était plus économe de ce côté là, je ne sais pas si c'est lié ou pas, mais en tout cas nous on se concentre là dessus.

La grande réussite de tout ça en fait, c'est la capacité à avoir dialogué, à s'installer sur un chantier où des choses n'ont pas été décidées à l'avance, où finalement un projet est déjà en place, c'est cette greffe qui est formidable d'arriver à mettre en place. Et si cette greffe pouvait avoir quelque chose de démocratisé sur plein d'autres domaines, c'est ça qui serait...

I2

"Mais comment tu verrais ce qu'on a fait là à ActLab, comment tu le verrais adapter à la jungle ?"

AB

"Ce serait peut-être le rôle de passerelle institutionnel entre les constructeurs qui eux sont déjà sur place en train de construire, quelque chose qui se démolit ou en voie de démolition, peut-être faire ce rôle d'intermédiaire, de médiateur institutionnel entre votre réseau et des institutions avec lesquelles vous avez déjà de la communication, des accords et justement cette espèce de grand bordel qu'est la jungle où là par contre le [...] institutionnel n'existe pas, parce que ce sont des gens qui n'ont pas forcément envie de constituer un dialogue avec des gens qui les expulse à coup de flammes. C'est peut être un travail plus social que de l'ordre du collectif, mais je sais qu'on a eu un workshop avec ETC, on a eu l'occasion d'en parler avec eux."

I3

"Et ils en disent quoi de la jungle ?"

"On n'a pas parlé de la jungle, mais c'est vrai qu'en terme de médiation, par exemple avec des gens sur des projets dans des zones plus populaires à Marseille, etc., où ils ont fait la médiation entre la ville et les habitants du quartier qui cherchaient à réinvestir une place qui servait à rien. Et aujourd'hui, cette place est utilisée, elle a un nouveau nom, etc., et c'est juste que les gens de ce quartier n'avaient pas... c'est un exemple très différent de Calais.

- C'est pas le même morceau, ça nous aussi on fait à mort, à Vitrolles et tout, des médiations.

- C'est la médiation, par la construction, entre la population sur place et les institutions.

- Ca c'est faisable, mais je ne me sens pas attaquer le chantier de la jungle.

- Il faut peut être inviter des Calaisiens au festival.

- Par rapport à l'ANRU, le système de déconstruction/reconstruction de bâtiment et les [...] compliqués au niveau social, c'est à dire qu'on va des fois déloger des habitants et les reloger ailleurs, voire plus loin en périphérie parce que c'est pas forcément une personne à revenus assez élevés pour habiter dans le centre ville. Donc clairement, le travail sur le recyclage des matériaux et participer à... parce que détruire pour reconstruire, c'est énorme au niveau du prix, un bâtiment avec 100 apparts, c'est colossal, pour après reconstruire, ça fait marcher le BTP. Là, votre travail pourrait participer à ça, favoriser cette déconstruction/reconstruction. Ce qui m'interroge, c'est par exemple un travail comme Lacatton et Vassal où justement ils prennent le partie de ne pas détruire et au contraire réhabiliter.

- Nous on préfère ça, on fait juste pansement avec ce qui se fait de pire.

- C'est juste pour appuyer cette chose là. Par exemple coupler le travail de Lacatton et Vassal, qui est pas forcément du recyclage pour le coup, ils viennent greffer des nouvelles structures ou des choses comme ça, mais partir plus dans une voie comme ça au lieu de participer à ce que fait l'ANRU, qui est quand même...

- Après nous, on ne pousse pas à se déconstruise à mort, en mode lobbying pour pouvoir faire du réemploi, c'est juste qu'on trouvait ça con que tout ça soit jeté donc on essayait de trouver des solutions à ça, mais je vois très bien ce que tu veux dire."

I1

"L'association arrive à vivre uniquement avec des projets comme celui que tu viens de présenter ou vous êtes aussi sur des projets plus classiques ?"

AB

"- On a plein de sources, on a des financements européens, régionaux, mairie, toutes les écoles d'archi, ministère de la Culture, la DRAC et alors on arrive à financer une personne avec le festival sur un an, ensuite il y a Julie qui est financée grâce aux recherches, Simon qui va être financé plus par rapport aux cours qu'il donne, donc ça c'est plus des financements de la région, et après le reste de l'équipe, on se finance grâce à des diagnostics. Quand ils vont démolir un bâtiment, on nous appelle, nous on scanne un peu le lieu, les éléments intéressants et on accompagne les entreprises qui vont déconstruire. On fait assistance à maîtrise d'ouvrage et c'est là où c'est mieux payé que le reste de nos actions. Le festival, on ne veut pas que ce soit une source de revenus pour l'asso.

- Du coup, la ressource principale, c'est l'assistance à maîtrise d'ouvrage.

- Oui, c'est là où on arrive à faire vivre le reste des activités et ce qui nous permet de pouvoir continuer à expérimenter des choses, qui économiquement sont un peu plus dangereuses, moins intéressantes."

I2

"Vous n'êtes pas obligés chacun de bosser comme archi à côté ?"

AB

"- On a essayé, on a fait sept ans de bénévolat, la huitième année, on a fait mi-temps en agence, mi-temps Bellastock, c'était impossible. Dans les agences, ils nous disaient qu'on n'était pas là et au Bellastock, on n'était tous : on n'est pas salariés, si ça roule pas, ce n'est pas de ma faute, etc. Donc on a dit basta, on se salarie au salaire minimum et puis on embraye. On taffe énormément mais au moins on est en accord avec ce qu'on défend.

Par rapport à tout à l'heure, elle [Marie-Christine Jailler] disait que notre génération essayait de travailler moins, moi je me disais : mais pourtant qu'est-ce qu'on taffe, mais c'est juste qu'on essaye de travailler dans des domaines que l'on aime, donc c'est sûr que le travail ne se transforme plus en besogne, mais quelque chose qui permet de s'accomplir.

- C'est d'autres formes de travail, elle a dit : d'autres activités, elle a pas dit "plus de travail", elle a dit "plus d'activités salariales".

- Mais t'avais l'impression que le gars bossait un peu et puis qu'il allait faire ses hobbys à côté."

CRÉDITS

Antoine Aubinais

Bellastock