→ Tixador Laurent
Artiste aventurier aux actions extrêmes, Laurent Tixador privilégie la performance et travaille de manière expéditionnaire. Il met à l’épreuve ses capacités physiques autant que la définition de «l’être artiste». Ses périples permettent de fabriquer des situations qui influencent son comportement et proposent des opportunités. L’expédition est pour lui un travail d’atelier, d’autant que lors de ses pérégrinations, il bricole de petits objets avec les matériaux qu’il trouve sur place.
D'autres façons d'habiter le paysage
Intervention de Laurent Tixador à l'occasion de la journée d'étude Habitat et précarité, le 17 mars 2016 à l'isdaT.
Présentation de la conférence
Laurent Tixador à récemment travaillé sur son projet «Architecture Transitoire», qui est pour lui un moyen de mettre en perspective la condition de l’homme du 21e siècle. Ainsi, en partant de rien, simplement avec les ressources que lui offrent le lieu, sa force physique et son ingéniosité, il conçoit un habitat. Dans sa présentation, il évoquera à travers ses expériences les différents enjeux et les besoins liés à l’édification d’un habitat de circonstance
Retranscription de la conférence
"J'ai fait plein de déplacements et pas mal de marches, c'est comme ça que j'ai commencé mon travail d'artiste. Et très souvent, je me suis posé la question du logement, quand on était comme ça, en situation, perdu en tout cas. Et donc, évidemment, il y a la tente, qui est le moyen le plus évident. Après, il y a des véhicules comme les caravanes ou il y a des choses qui se démontent comme les yourtes, qui sont tous ces éléments plus ou moins d'architecture - je ne sais pas si on peut les appeler des architectures - mais qui permettent de se loger en se déplaçant. Et moi je me suis dit : j'aimerais tellement voyager avec rien du tout, c'est à dire aucun élément encombrant ni même un véhicule et c'est là que je me suis dit : peut être qu'il y a moyen de créer une architecture qui soit pour le coup pas une architecture mobile mais une architecture transitoire et du coup, que cette architecture transitoire soit non pas un élément physique, mais une connaissance et une capacité de s'adapter à un terrain, de lire ce terrain et de connaître le processus petit à petit qui permet qu'à cet endroit là, on évolue. C'est à dire qu'on commence par juste dormir sur le sol. Ensuite, à partir de la première nuit, on commence à connaître les premiers problèmes, on y pallie et petit à petit, on commence à créer un vrai habitat avec des éléments de plus en plus ténus qu'on a découverts au fur et à mesure.
Cette image, c'est une pièce que j'ai du faire en 2004. Donc là, l'idée, c'était de commencer juste dans une pâture et de dormir dans la pâture et après de se poser la question de comment vivre ici pendant deux mois, parce que j'ai vécu deux mois dans cet espace. Le principe, ça a été évidemment de ne pas aller des éléments à droite, à gauche, dans la forêt ou dans les magasins aux alentours, c'était de construire vraiment avec le sol. Donc la solution, c'était de faire des igloos tout simplement. Donc ça c'est passé comme ça : d'abord on a dormi au sol - on était à deux - on a creusé un petit espace qui a été notre première cabane, qu'on a comblé, ensuite on a dormi dedans et puis évidemment, les premiers jours il a plu, donc on a couvert et ensuite on a fabriqué des briques en terre et puis ensuite on a commencé à construire le premier igloo qui est celui du milieu je pense. Et donc, à partir de ce moment là, on était chacun à l'abri avec en plus de l'intimité, ce qui était extrêmement important. Parce qu'en fait, je pense qu'il y a trois choses très importantes dans un abri, trois abris peuvent être trois choses différentes. C'est à dire : on doit s'abriter contre les éléments, évidemment. Donc ça, c'est un abri en dessous duquel on est, il y a aussi des abris qui nous servent à se protéger du regard, ce sont des abris derrière lesquels on est et puis ensuite, il y a des abris qui peuvent servir à nous protéger ou à protéger nos biens, ceci par rapport à l'intimité qu'on avait obtenu en ayant un deuxième logement. Ensuite, on en avait fabriqué d'autres, parce qu'on était au milieu d'une pâture, on avait en gros rien d'autre à faire que de faire des briques, de les maçonner et puis de s'implanter, d'évoluer quelque part. Donc on a construit un deuxième igloo, un troisième et un quatrième. Et puis à ce moment là, on a commencé à inviter des gens qui sont venus nous voir très régulièrement.
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Ca, ça fait partie des évolutions énormes de ce campement, c'est qu'on a trouvé, on a découvert que la terre dans laquelle on vivait, on travaillait, etc., on pouvait la cuire, avec ce four, donc il nous servait à cuisiner de différentes façons. On a commencé à créer un artisanat et un moment, on s'est fabriqué toute une cuisine aménagée qui a commencé avec ce four là et même un plan de travail carrelé, c'est à dire avec des carreaux en terre cuite. Je reviendrai sur ça, c'est intéressant, parce que quand on construit un igloo - je suis allé plusieurs fois au Groenland - en fait il n'y a pas de porte. C'est un bâtiment qui est d'abord construit sans porte, tout simplement parce qu'on monte les briques en spirale et ensuite on pose une clef de voûte. Et ce qui se passe et qui est très intéressant avec ce moment de poser la clef de voûte, c'est que celui qui est à l'intérieur, c'est pas celui qui a la scie pour couper la porte, parce que du coup on taperait avec la scie contre une voûte et c'est évident que c'est mieux d'attaquer par l'extérieur, juste pour des questions de résistance en fait. Donc celui qui est à l'intérieur est complètement enfermé et il est à la merci de celui qui a posé la clé de voûte, lui il la reçue et c'est un processus assez génial. L'igloo en neige, il a toujours de la lumière. Et là, l'igloo en terre, on est dans un noir total et on ne sait même pas par où va arriver la scie et puis un moment, c'est une espèce de liberté.
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Là, on se rapproche vraiment, autant au niveau de l'image qu'au niveau de ce qu'il se passe. Là, on est dans un caserne abandonnée à Bordeaux et le projet que j'avais pour aller habiter dans cette caserne, c'était d'aller y tourner un film. Le principe a été le suivant : j'ai écrit un scénario qui était un scénario pour un long-métrage, qui était que trois ou quatre squatteurs vivent dans une caserne abandonnée et ont une espèce d'utopie et de façon de vivre de jouer au soldat, pas à la guerre, mais de jouer au soldat. Donc ils vivent - on est dans la fiction bien sûr - dans des sacs de sable et ils camouflent tous leur éléments dans l'usine avec des graffs, des tags et ils essaient de disparaître dans cet environnement. Et à un moment, il y a une équipe de tournage qui s'intéresse à cette utopie et qui va les voir pour tourner un film sur eux. Cette équipe de tournage, dont je fais partie puisque je suis réalisateur, avec un chef opérateur et un ingénieur du son, les rejoint et ensuite nous sommes pris dans leur utopie et nous vivons avec eux et ce film est un film de téléréalité. Avec ce tout petit bout de scénario qui a juste créé différentes situations, on est arrivé à créer une raison de vivre dans cette caserne abandonnée, dans ce contexte, avec les sacs de sable, avec la bagnole toute taguée, avec les casques de la guerre de 14 tagués, etc. Et on a évidemment fabriqué des petits canons. En fait, c'est marrant, parce que cet espace, il nous fallait une excuse pour l'habiter tout simplement parce qu'on a créé une espèce d'énorme bac à sable. C'est à dire qu'on était six au final et notre but à ce moment là était juste d'avoir des utopies et de jouer. Donc on avait fabriqué ces petits canons, on fabriquait aussi les boulets nous mêmes. Ces petits canons tiraient vraiment en plus, à peu près à trente mètres. Et on cassait des parpaings à trente mètres.
(13'32) : Ca c'est aussi dans la scénario, un moment où on doit quitter cette caserne parce qu'elle est détruite. Donc on part avec notre voiture, on se retrouve à la campagne et là on a construit complètement autre chose, c'est à dire ces petits igloos en mousse. On avait atterri dans un chaos granitique en Bretagne, donc on a construit avec des matériaux ultra locaux qui là étaient vraiment les matériaux à portée de main. Donc là, on avait des noisetiers, on avait cette mousse, donc on a fait une structure en noisetier et une couverture en mousse. Ce qu'il se passe, c'est qu'on va dans une régression totale tout le long du film, c'est à dire qu'on part déjà de pas grand chose, c'est à dire la situation de soldats, qui sont à l'intérieur des lignes, qui attendent, qui vivent dans une grosse flaque d'eau, etc., jusqu'à une espèce de forme de préhistoire où là nos matériaux, c'était des pierres, des trucs comme ça, au niveau réemploi. Et puis surtout, notre vie là, c'était plus du jeu, c'est à dire que la nuit il faisait froid. Comme on le sait tous, une maison, c'est quelque chose qui protège énormément des conditions météo, de tout ce qui peut être à l'extérieur. Et une cabane, au contraire, c'est quelque chose qui est construit pour sa porosité, et c'est ça l'intérêt d'une cabane, c'est sa porosité. Et là, on l'a vraiment vécu de façon très dure, parce que cette porosité, elle était dans l'intimité, dans les éléments, parce qu'évidemment ça fuyait, et on ne voulait pas construire autrement que ça, on ne voulait surtout pas aller chercher des bâches et puis en plus on était à moitié obligé de se planquer tout le temps.
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Ca c'est encore une autre expérience, là pour le coup qui n'est pas du tout lié à l'habitat, puisque je n'habitais pas là. En fait, je m'étais dit : est-ce que dans ce savoir que j'essaye de collecter, je suis capable de faire de la mécanique dans une forêt ? C'est à dire que faire de la mécanique, ça implique d'avoir pas mal d'accessoires, pas mal d'outillage et la mécanique, c'est surtout visser. J'étais parti avec des tarauds pour le bois, quelques haches, quelques outils, un vilebrequin, etc., toute une collection d'outillage à main, ce qui me rend du coup pas dépendant d'une source électrique. Donc j'ai travaillé sur un geste fondateur de départ, c'est à dire que pour créer cet atelier de mécanique, il fallait d'abord que je taraude une branche pour fabriquer un premier étau, qui me servirait ensuite à fabriquer un deuxième étau et un gros étau de mécanique. Et donc, comment fabriquer ce premier pas de vis puisqu'avec le taraud, je n'avais pas tout pour le maintenir, et c'est quand même une machine qu'on utilise à deux mains. Donc ce geste était extrêmement intéressant, c'est à dire que j'ai épluché sur l'arbre directement une branche, je l'ai taraudée et je l'ai coupée ensuite. Et donc, ça c'est un geste qui m'a permis de fabriquer un premier étau à tige, qui du coup comme j'avais un maintien, m'a servi à fabriquer un deuxième gros étau de mécanique, donc un étau plat. Et puis après, j'ai fabriqué cette espèce d'arbalète, mais j'aurais très bien pu fabriquer n'importe quoi d'autre, un truc, un machin, j'aimais bien l'idée de l'arbalète parce qu'on était dans les bois. Ca, c'est l'étau et puis l'outillage que j'ai utilisé : rabots, haches, vilebrequins, etc.
Pour continuer avec des actes premiers, dans le domaine de Chamarande, dans l'Essonne, ils m'avaient invité pour une espèce de performance, expo, etc., et moi je leur ai dit : je vais vous fabriquer un pont. Déjà, j'aime bien la figure du pont, je reviens à ce que je disais au début, parce que c'est quand même la seule architecture qui serve à se déplacer, même si on cherche bien, il n'y en a pas d'autres. Et je suis venu à des éléments architecturaux comme ça justement à cause de la marche. Donc je leur dis : je vais vous fabriquer un pont - d'ailleurs j'en avais déjà fabriqué deux autres - mais cette fois ci, je vais venir absolument sans aucun outil. Et puis je vais venir avec deux collègues, quinze jours, et puis on va vous fabriquer un pont. On avait pensé à différentes mécaniques, fabriquer un barrage pour créer de l'énergie, etc., et puis en fait au final, le plus simple, c'est de ramasser une pierre, lui donner un tranchant avec une autre pierre. Avec le tranchant de cette pierre, on coupe un bâton et avec ce bâton, on emmanche sa pierre et on coupe un arbre. Et après, on fabrique un pont. On se disait : ça va probablement pas marcher, mais en fait, ça marche. Il y a juste qu'il y a une petite tricherie, c'est que les haches sont faites avec de la ficelle de bateau, c'est une ficelle qui ne triche pas, qui affiche bien qu'elle n'est pas de la nature et c'est pour une raison simple, c'est que pour faire la ligature de ces haches, l'humanité utilisait à l'époque où ça se faisait couramment des tendons animaux. Et de mon point de vue, il a toujours été impossible et injustifiable qu'on tue un animal pour n'importe quelle œuvre, en tout cas œuvre d'art. Donc on avait dit : on va venir avec cette ficelle qui ne triche pas, qui n'est pas une ficelle marron qui aurait pu faire office de, etc.
(21.39) Ici, on est en train de couper un arbre, on avait mis au point ce système où on tourner à trois autour de l'arbre. Ce qui est intéressant avec cette façon de faire, c'est que les accidents sont très vite arrivés et on apprend à relativiser, c'est à dire que les pierres peuvent se démancher, l'outil peut casser très facilement, etc., et puis un moment l'arbre tombe, donc on était vraiment très très attentif. Et quand l'outil cassait, la pierre se démanchait, on restait à deux, etc., et on savait qu'on avait une rentabilité très faible par rapport à une vraie hache et par rapport à du vrai matériel.
(22.20) Voilà ici une coupe, en fait on voit bien que c'est plutôt une espèce de grignotage mais très rapidement, on est arrivé à couper un arbre en une demi-heure, une heure.
Ca nous a posé aussi des problèmes pour la construction, parce qu'évidemment, avec l'équipement qu'on avait, c'était impossible de percer, donc impossible de cheviller.
Ca, c'est quelque chose que je n'ai pas pas précisé, sur la construction de l'arbalète avant (22.54 - 23.19) qui est extrêmement important, c'est que je n'ai ramené aucune vis, aucun bout de ficelle et que tout est entièrement chevillé et que l'arbalète et l'établi, je les ai abandonnés en forêt et que je n'ai absolument pas impacter l'endroit, parce qu'il n'y a pas une particule de matière dans cette construction là qui ne vienne pas de la forêt, même de l'environnement.
Ici les haches, on est reparti avec. Et le pont en fait, ce qu'il nous posait comme problème, c'est qu'on ne pouvait pas percer, donc on ne pouvait pas non plus cheviller. On pouvait seulement couper. Donc on trouvé un système assez simple, on le voit ici. C'est à dire qu'on a pris - en se cassant la tête un peu parce qu'on ne savait pas du tout comment fabriquer ça - on a coupé deux fourches et passé une troisième fourche par au-dessus qui fait une clé. Et c'est vachement intéressant, c'était une très bonne découverte par rapport à cette construction, parce qu'évidemment en pression, ça marchait très bien, en latéral, ça ne bougeait pas et même en arrachement, c'était coincé. Ca veut dire qu'on avait créé une structure, un pilier de pont qui ne pouvait plus bouger. Autre découverte intéressante aussi, mais ça c'était par fainéantise, c'est que là on voit que les troncs en fait sont sur la longueur, habituellement on les met plutôt en traverse et c'est beaucoup plus praticable. Mais là, on ne pouvait pas, parce que si on les mettait en travers, ça veut dire qu'on faisait des coupes de 1 mètre, et ça pour nous, avec des équipements en pierre, c'était quelque chose d'énorme. Donc on a mis les troncs en longueur, évidemment il était hyper inconfortable, parce qu'on avait des dénivelés tout le temps sur le tablier et donc on a recouvert avec un torchis, on a fait une fosse à torchis derrière, on a creusé une fosse, on a mis la paille dedans et on a ramené le torchis dessus et puis du coup, on a un tablier en torchis et qui maintenant, il est plus praticable parce qu'il commence à être assez vieux, mais en revanche, il s'est entièrement végétalisé parce que dans le torchis forcément on avait des graines, du lierre a grimpé dessus. Et ça aussi, c'est quelque chose que je pouvais abandonner dans le parc de Chamarande puisqu'il y a aussi aucun élément allogène, allochtone.
Ici, on est dans un village à Bordeaux, c'est un endroit où j'avais convié 15 personnes à venir me rejoindre dans un bosquet qui était censé être détruit parce qu'il y avait un plan foncier sur cet endroit là. Donc j'avais décidé de travailler à cet endroit parce que du coup, je n'avais pas de scrupules à couper les arbres, puisque de toute façon, ils étaient condamnés. Donc j'avais proposé d'inviter une quinzaine de personnes sur Facebook, Twitter, à venir me rejoindre dans le bosquet, avec une espèce de protocole qui est le suivant, c'est que dès qu'on arrive ici, on dort ici. Donc le premier jour, on s'est donné rendez-vous à tous, donc c'était des gens que je ne connaissais, qui ne se connaissaient pas entre eux, ou alors très peu et l'idée était de créer un urbanisme et une société en même temps, c'est à dire d'apprendre à se connaître et d'apprendre à construire aussi ensemble, d'ailleurs pas ensemble du tout. Le premier jour, on a dormi par terre.
Le deuxième, quelques passerelles ont commencé à se développer. On a très vite vu qu'il y avait des gens qui étaient incapables de construire, qui n'avaient pas en tout cas les capacités manuelles pour construire un abri viable donc avec les constructeurs de qualité dont je faisais partie, nous avons créé un travail de solidarité où on allait aider les gens comme ça à construire autour de nous, pour que tout le monde soit assez bien. Et évidemment, on faisant ça, on acquérait petit à petit une espèce de statut de notable, ce qui était assez marrant, parce que à quatre ou cinq, on savait construire et que dans ce milieu là - où il n'y avait pas d'argent - il y avait des ressources poubelle et de ressources bois, nous on avait cette espèce de superpouvoir d'être capable de construire quelque chose. Évidemment, ça a porté nos choix sur habiter en centre ville, en tout cas créer le centre ville autour des maisons qu'on avait commencé à fabriquer.
Ce qui était assez marrant, qu'on voit un peu sur le sol (photo 8), c'est que cet endroit, c'était une ancienne usine, donc très rapidement, en défrichant, on a trouvé une dalle en béton et puis on s'est établi autour de cette dalle en béton, qui était pour le coup une place centrale. Cette place centrale, c'est l'endroit où on mange, c'est l'endroit où on faisait la fête le soir, où on faisait toutes les activités collectives et où on a ouvert un restaurant italien.
( ~29) On voit un four à pizza et à pain et ici (photo 4), une machine à faire des spaghettis (photo 7), c'est une espèce de presse, on met la pâte dans un piston, il y a une boîte de Teisseire percée et puis la pâte tombe directement dans une casserole d'eau bouillante et on a des spaghettis qui ressemblent plutôt à des spätzel alsaciens qu'à des spaghettis italiens, mais qui sont vachement bien.
Et donc, on avait des structures de centre ville. (photo 5-6) Dans le centre-ville, les maisons, les voisins, super constructeurs, et là, c'était chez moi. On avait créé aussi un style local, qui était intéressant, parce que sans se concerter, en s'observant les uns les autres, on s'est dit : ça c'est pas mal le coup de la petite terrasse en face, parce qu'il y avait un dénivelé, un petit côteau et donc toutes les maisons étaient plus ou moins équipées d'une petite terrasse comme ça.
Et surtout, il s'est passé qu'à un moment, on avait quasiment fini de construire, c'est à dire qu'on avait, sur cet espace assez restreint de quinze personnes - non, je crois qu'on avait déjà connu une croissance démographique à ce moment là, on devait être une vingtaine - et on avait plus rien à construire d'indispensable, donc on s'est dit : on va passer à des éléments qui sont accessoires, donc notamment ce pont (photo 3). Et pourquoi un pont ? D'abord parce que je l'ai dit, j'aime bien cette figure de pont et en plus on appelle ça un ouvrage d'art, c'est que aussi c'est un geste intéressant, c'est à dire que produire de l'art, on arrive à un stade d'évolution, on a plus besoin de produire de l'essentiel, du vital. Donc là, on s'est dit : on va faire un pont. Et pour se compliquer la vie, on s'était dit : on ne va pas mettre de pilier au milieu, on va faire un truc pré-contraint en bois, donc vous voyez qu'il y a une légère voûte ici. On a laissé pendre nos troncs dans leur position naturelle pendant deux, trois jours, donc ils ont pris une courbe, on a taillé des encoches et on les a retournés. Ensuite, on a triangulé tout ça, ce qui fait qu'on a un truc qui faisait quasi 10 mètres de long, sans pilier au milieu. Pré-contrainte, un peu le système que le pont de Millau, etc., on est arrivé à des niveaux d'ingénierie folle.
Et aussi à ce moment là, on avait commencé à créer beaucoup de biens, donc on avait ce que j'appelais du phyto-barbelé tout le tour, c'est à dire les ronces qu'on a avait pas défrichées, et puis nous on était dans les ronces, sauf qu'il y avait un endroit, qui était l'endroit pour accéder justement à ce périmètre. (33' photo 1-2) Donc on a construit un rempart qui est vraiment là aussi la marque d'une ville. Un rempart avec une chicane très médiévale pour rentrer, un truc pour monter dessus, on avait notre entrée et puis une porte, qui était une porte qui s'ouvrait. On avait très très volontairement aussi terminé le rempart comme ça par un tronc à l'horizontal, parce qu'on ne voulait pas tomber dans une esthétique qui soit l'esthétique du camp d'Astérix et on s'était vraiment dit : ce serai idiot si on mettait nos troncs à l'horizontal, parce que du coup, ils sont très faciles à escalader. Et ça nous a posé une question intéressante, c'est que si on met les troncs à l'envers, toutes les branches qui dépassent encore de nos coupes, on ne peut pas les utiliser pour escalader, donc on a mis tous les troncs à l'envers. Et puis en haut, on a mis un tronc à l'horizontal, parce que ça nous évoquait plutôt le mur de Berlin, donc une espèce de chose qui soit d'une histoire en tout cas beaucoup plus proche que l'histoire gauloise.
J'en ai fini avec cet endroit, qu'on a appelé le village dans le bosquet, parce que c'est le nom qui est venu tout naturellement, comme les noms des quartiers qui s'étaient installés, le nom des rues, parce qu'on avait des noms de rues et de quartiers et on avait vraiment un espace où tout était nommé, comme dans une vraie ville.
Je reviens juste à cette implantation dans l'usine parce que je trouve une photo. On avait mis notre cuisine très précisément dans cette flaque d'eau, parce que ça nous évoquait Verdun, tout ça, et puis le confessionnal, c'était quelque chose qui était dans une vieille fosse pour réparer les véhicules en dessous d'une couverture en tas de sable. (photo 4)
[C'est la photo que je cherchais aussi tout à l'heure] On voit le plan de travail en carrelage ou en terre cuite, à côté l'évier, la cuisinière et puis le four, tout en terre. (photo 1 2 3)
J'ai quelques petits exemples qui sont intéressants par rapport à ce qu'on disait sur la jungle, etc., c'est pas un phénomène nouveau. Ici, on est deux fois pendant la guerre de 14, une fois pendant la guerre de 40 et on voit des militaires qui sont à l'arrière, qui sont sur le front, qui ont fabriqué leur petite [cania ???] et qui l'ont agrémentée avec un petit jardinet et des pots de fleurs, sur d'autres photos, j'ai des trucs avec des rideaux, j'ai une collection de ces cartes et je pense que c'est les seuls moments où on voit des photos de soldats pendant la guerre qui sont souriants. La question que je me pose quand je vois ces images là et que je vois les images de Calais, c'est : est-ce que ce n'est pas plus intéressant de fabriquer soi-même son habitat plutôt que d'être logé dans des containers, parce que évidemment quand on fabrique son habitat, on peut l'améliorer, on est tout le temps occupé et on peut se projeter dans l'avenir - c'est pour ça je pense que ces soldats sont souriants sur ces photos, alors que la situation n'est pas tellement plus brillante - alors que si on est mis dans des containers, d'autant plus si on n'a pas le droit de faire quoi que ce soit comme on disait tout à l'heure, on a juste une vie stoppée.
(38'03, photo 2) Ici, on est en 14, on est pendant le Blitz, le bombardement sur Londres, c'est une famille qui se réfugie dans un bout de tuyau, un bout de tôle et qui malgré tout pose pour une photo et qui n'a pas l'air d'être une famille malheureuse.
(38.24, photo 3) Ici, c'est une photo qui est intéressante pour une autre raison, c'est qu'on a cet abri - la légende dit que c'est la maison d'un officier allemand qui a été capturé, etc. - c'est un endroit qui a été habité assez longtemps, parce qu'on voit que le foin est tassé, qu'il y a une chaise, des accessoires, etc., et qu'il a laissé de quoi vivre. Donc cet abri qui est somme toute assez poreux aux éléments et derrière il y a un château. En fait cet abri sert à quoi ? Alors que le gars aurait pu aller habiter dans le château. Je pense que c'est juste un abri qui est là pour s'abriter des regards et de la compagnie des autres, c'est à dire que là, pour le coup, on n'est pas en lutte contre les éléments extérieurs ou contre les voleurs, les choses comme ça. On est juste en lutte pour conserver son intimité, ce qu'il ne devait pas y avoir à mon avis dans le château avec le reste de la garnison.
[Recherche images]
Je vais vous parler maintenant, pour en finir, de cet élément d'architecture qui est là aussi pour le coup au domaine de Chamarande. Là, c'était pour une expo qui s'appelait "Habiter" - j'ai été invité - et je leur ai dit : en fait, c'est simple, il y a quand même une très forte différence entre se loger et habiter, c'est à dire que se loger, c'est juste construire un toit et être abrité de tout ce qui nous emmerde. Et puis en revanche, habiter, c'est autre chose, c'est vivre avec son environnement, de vivre dans son environnement et de faire partie de son environnement, habiter c'est ça. Et je leur ai dit : vous avez un bois, une forêt et moi je vais aller habiter une semaine à poil dans ce bois et je vais voir, j'aurai rien avec moi - enfin si, j'aurai quelque chose de très important : j'aurai un IPhone et j'aurai une cigarette électronique. Ce sont des choses qui en terme de survie ne valent absolument rien, en revanche, ça m'a servi à faire à documenter, à faire des photos, à faire un film (l'IPhone), envoyer des posts sur mon blog et la cigarette électronique, pareil - parce que je fume des clopes - on n'a pas de briquets, on n'a pas de feu, donc voilà, c'est à moi de démerder pendant une semaine. Et si je suis parti à poil dans la forêt en fait, c'était parce que je voulais travailler cette fois-ci sur une façon de faire où on ne peut pas entropiser son environnement. C'est à dire que là, en étant nu, même casser une branche, c'est hyper dangereux. Donc j'ai ramassé du bois mort, des feuilles, j'ai arraché de l'herbe pour faire du foin et en fait, tout ce que ça a donné comme habitation, c'est ça, une espèce de nid. Ce nid, c'est tout ce que je pouvais faire, il s'est écroulé d'ailleurs dès la première nuit, il pleuvait, une catastrophe terrible. En plus, je n'avais rien à bouffer dans la forêt. Parce qu'à cette époque là, il y a quelques végétaux qui sont comestibles, mais pas grand chose et donc on me nourrissait comme un animal. Psychologiquement, c'était très dur, de temps en temps à l'orée de la forêt, on me balançait une boîte de pâté, un bout de pain, qu'il fallait que je m'empresse de venir chercher parce que dans cette situation là, on est propriétaire de rien, c'est à dire qu'on partage tout avec animaux. Je m'éloigne de mon nid, les chevreuils venaient le brouter. Le bois que j'ai utilisé, c'était du bois mort, donc je le partageais avec des insectes xylophages et tout ça, mais rien n'était ma propriété, ce qui n'est pas du tout humain, pas du tout un comportement humain, de ne pas être propriétaire. Parce qu'un humain qui s'implante quelque part, il prend le terrain, c'est son terrain, il le délimite et c'est chez lui. Donc là, je n'avais pas la possibilité de faire ça. C'était hyper intéressant cette découverte par rapport au partage des ressources et puis surtout cette impossibilité de construire qui était quand même hyper intéressante. Ceci dit, j'aurais pu lancer un processus si j'étais resté plus d'une semaine. Parce que là - comme je vous l'ai montré - je sais faire des outils en pierre, etc., sauf que là je n'avais même pas la ficelle, mais j'aurais pu m'en tirer, et j'aurais pu construire des outils, j'aurais pu essayer d'aller chercher de la terre, de l'argile, fabriquer des poteries, démarrer la fabrication de feu - c'est très long - et ensuite faire un logement. Parce que dans le village dans le bosquet, on est resté un mois et demi et puis quand on a dû partir, c'était hyper dur, parce qu'on s'était dit : là on a découvert qu'on pouvait cuire la terre autour de nous, on avait découvert de l'argile. Donc de nos cabanes, on pouvait construire en brique des maisons pour l'hiver - c'était en septembre - et on pouvait construire en brique des maisons avec cheminée. C'est à dire qu'on avait ce niveau technologique et cette possibilité là, c'est à dire de passer l'hiver sur place. En tout cas, on avait le savoir et découvert ce savoir pour le faire."
"Vous étiez autonome en nourriture ?"
"Non, en plus on n'était pas autonome en nourriture. En tout cas, ce processus, le fait qu'il dure une semaine, ça m'a bloqué sur toute cette fabrication de feu, de toit, etc., donc comme j'avais trouvé une vieille bâche dans la forêt, je me suis mis sous ma vieille bâche, dans mon nid et j'avais un abri suffisant.
Je peux vous passer un film, que j'ai tourné avec mon IPhone, qui est un film qui dure dix minutes et puis je crois que je vais conclure avec ça et on discutera après."
"La batterie a tenu longtemps ?"
"La nuit, j'allais faire les poubelles, vous avez vu, j'ai une bouteille d'eau, j'essayais de trouver des trucs et il y avait des bâtiments, le bâtiment des jardiniers, avec des prises extérieures, donc j'allais aussi recharger mon IPhone et la cigarette électronique. Ceci dit, ça faisait beaucoup de marche et puis vous avez vu les chaussures que j'avais. Donc j'allais vraiment dans les derniers retranchements, dans les derniers moments. Et du coup, je n'utilisais cet IPhone que pour filmer et surtout pas pour aller sur internet, ou pour savoir l'heure, ou pour me rassurer. Parce qu'évidemment, j'étais tenté hyper souvent de l'utiliser parce que là, je pense que je n'ai jamais dormi, que la journée, j'attendais que ce soit la nuit, que la nuit, j'attendais que ce soit le jour. J'attendais qu'il y ait des changements, qui ne changeaient rien en fait, mais juste des petits événements. Donc la batterie, j'ai dû aller la recharger une ou deux fois. Mais c'est amusant, ce petit film que vous venez de voir, en fait c'est le seul moment où dans la nature, je me suis ennuyé. Dans une situation de construction de mon habitat, de mon environnement, etc., c'est le seul moment où je me suis ennuyé. Parce que je n'avais pas les ressources, je n'avais pas le minimum de ressources pour faire quelque chose. Et du coup, j'avais perdu mon enthousiasme. Je n'avais pas le temps en fait, une semaine. C'était soit un mois et rien du tout, soit pas une semaine et rien du tout. Ca fait deux problèmes énormes, de ne pas avoir le temps et de ne pas avoir pour le coup la moindre once de possibilité d'outillage, même de protection."
"Et du coup, est-ce que tu dirais que tu as habité ?"
"Oui, pour habiter, je n'étais pas logé, mais j'ai vraiment vraiment habité. Là, pour le coup, vraiment. D'ailleurs, je le dis dans le film, en fait tout ce que je fais, c'est habiter. En fait, c'était ma principale activité, ma seule activité."
"Je suis encore branché sur la bouffe, mais est-ce que tu en as récupéré dans les poubelles ?"
"Non, je n'avais pas envie de jouer à ça, j'étais déjà assez fragile et je n'avais envie de récupérer une fin de sandwich, infecté par je ne sais qui ou je ne sais quoi. Mais c'est des choses auxquelles tu fais attention. Les animaux sont armés pour ça, un clébard va fouiller les poubelles et manger des trucs. Moi, je n'avais pas envie de jouer à ça, parce que du coup, ça devient dramatique. Ce que j'avais comme ressource, il y avait du plantin, des pissenlits, des robiniers en fleur et du sureau en fleur à cette époque là. Tout ça c'est bon, c'est des petits goûts sympa, et puis ça a complété les boîtes de pâté qu'ils me jetaient. Il y avait un protocole, c'est à dire que je suis allé à l'orée du bois, j'ai enlevé mes vêtements, j'ai fait un petit tas bien propre, je suis rentré, il y a quelqu'un qui est venu les chercher, qui les a mis dans l'expo et après, une fois que c'était fini, il me les ramenés et puis j'ai foutu mon slip de Tarzan et puis mes chaussures dans l'expo à la place."
" Tu n'as rencontré aucune présence humaine au final ? C'était fait exprès, il y avait une interdiction de rentrer dans cette zone ?"
Non, il y avait zéro interdiction. Mais là en fait, il n'y avait pas de fiction, c'est à dire que quand il y avait des humains qui rentraient dans ce bois, parce que c'était un parc plus loin, donc il y a des gens qui allaient se balader. Moi, je me cachais. Je ne faisais pas comme un animal, j'étais un animal. Donc je faisais la même chose que mes collègues chevreuil, serpent, tique."
"Qu'est-ce qu'il se serait passé sans la bâche ?"
"S'il n'y avait pas eu la bâche, je pense que j'aurais eu une autre idée, j'aurais trouvé une autre solution. J'ai quand fait quelques essais, j'ai trouvé le sweatshirt et je pense que je l'aurais trouvé plus tôt, parce que du coup, j'aurais eu une urgence, et là je me serais vraiment déplacé pour trouver quelque chose. Et puis, j'ai fait un essai de me fabriquer une couette avec ma bâche et du foin et là, c'est marrant, parce que c'était une façon de me reprojeter chez moi, sous une couette pour dormir, mais c'était idiot. Mais en tout cas, je l'ai fait quand même et puis ça n'a pas marché parce que j'avais fait des petites ligatures en déchirant, en faisant un petit nœud sur le côté avec du foin. Donc il a plu, j'étais juste sous une bâche avec du foin mouillé sous la peau et c'est parti en vrac hyper rapidement. J'aurais mieux fait de rester sur le foin, bien positionné la bâche, etc. C'est marrant, j'ai eu besoin de me rassurer avec cette couette. Et c'est marrant, parce que ça, c'était aussi le premier jour et quand on se retrouve à la rue ou dans une situation compliquée... j'ai vécu en squat quand j'étais plus jeune, de façon assez violente donc j'ai un petit peu d'expérience dans ce domaine. Plus des situations un petit peu compliqué. Toutes les expériences que j'ai pu mener - parce que là je vous ai montré quelques trucs - mais j'en ai fait d'autres beaucoup plus trash, il y a toujours à peu près deux trois jours d'adaptation. C'est à dire qu'on quitte son quotidien, on a deux trois jours avant d'avoir switché dans son nouveau quotidien. Et ça, c'est incompréhensible. C'est à dire que pendant ces deux trois jours, on souffre vraiment, parce qu'on est toujours dans son canapé, avec sa télécommande, etc., et malgré tout, on est dans la forêt, on est sous terre, on est dans une région pourrie ou dans la rue, et après, on est dans un nouveau quotidien, aussi dur soit-il, c'est là qu'on a ses habitudes, et c'est là qu'on vit désormais.
Et c'est marrant, parce que chaque fois que ça m'est arrivé de vivre la situation après avoir vécu cette situation de switcher dans un milieu inconfortable - c'est à dire d'avoir volontairement créer de la précarité pour la vivre - et après être revenu dans mon quotidien ou à l'hôtel ou dans n'importe quel logement usuel, j'ai eu autant de difficultés. Par exemple, il y a un projet dont je n'ai pas parlé, mais c'était un projet de creuser un tunnel pendant une vingtaine de jours, de prendre la terre en fond de taille et de la mettre en arrière pour reboucher ce tunnel, c'est à dire que c'est une espèce de mobil-home troglodyte. Ca, je l'ai fait avec un collègue pendant une vingtaine de jours. Là où je voulais en venir en parlant de ce projet - dont je ne parlerais pas, il est sur mon site, vous pouvez aller voir des images - c'est que quand on est sorti, il s'est passé un truc, j'avais acheté des téléphones à manivelle de l'armée pour pouvoir faire une vaque avec quelqu'un en surface, pour être sûr qu'il n'y avait pas de problème, etc. Donc tous les jours, on faisait une vaque à telle heure, téléphone filaire, parce que les GSM ne passent pas, évidemment. Et puis le gardien, qui était espagnol - parce que ça, ça a été réalisé dans un parc, un jardin public à Murcia pendant une biennale - la gardien qu'on avait en surface, en fait, on lui dit : voilà, on va sortir vers six heures. Et lui a compris - parce qu'il ne parlait pas bien anglais, il ne parlait pas français - il a compris : on va sortir dans six heures.
Donc on est sorti par un petit trou, en combinaison de spéléo, avec des lumières allumées sur le front, au milieu d'un jardin public. Il y a un cycliste qui est passé juste à côté, qui nous a regardés et qui disait : mais qu'est-ce que c'est que ça. Et on venait de passer vingt jours sous terre, donc on était vraiment des clochards. Et puis c'est le gardien du parc, notre gardien à nous, qui était prévenu et donc il est venu : alors, qu'est-ce qui se passe, etc. On se retrouvait dehors, pas de comité d'accueil, personne de prévenu, mais qu'est-ce qu'on fait là ? En fait, ce qu'on a fait, c'est qu'on est retourné dans notre trou - le trou était comme ça - parce que pour sortir, on n'avait assez économisé les coups de pelle. On est retourné dans notre trou, on s'est fait un thé et puis on attendu là, parce que chez nous, c'était devenu là et on était inadapté à ce climat extérieur, à ce qu'il se passait à l'extérieur. C'est à dire déjà, quand on a vu la première touffe d'herbe apparaître, pour nous c'était le ciel, alors que d'habitude on est dessus. Pour nous, c'est des changements énormes qui se produisent comme ça."