Wild-Tech & Milieu-Tech. Repenser la technologie ?
Intervention de Yann Philippe Tastevin lors de l'événement "Wild-Tech & Milieu-Tech. Repenser la technologie ?" dans le cadre du programme de recherche Changer d'échelle le mercredi 3 mars 2021 à l'isdaT au Plateau Média.
Retranscription de la conférence
Yann Philippe Tastevin : "Merci Victor, tu as dit énormément de choses, donc je vais essayer de pas me répéter, et si ça devait arriver faites moi les gros yeux, je passe tout de suite à autre chose. Je vais peut-être commencer par dire les mêmes choses un peu différemment."
Repenser la place accordée aux solutions dites "pauvres"
L'Exemple de la mouche et de la libellule
"Alors moi, pour résumer ce qui vient d'être dit, avec une petite expérience de pensée, on va encore remonter plus loin dans l'histoire que tu nous a faite, vraiment je vous invite à penser mouche et libellule. Donc les libellules, commençons par là, font partie du plus gros groupe d'insectes connus, je sais pas si vous le saviez, moi je l'ai appris en lisant ça donc c'est les paléoptères. On en trouve des traces au Dévonien et au Carbonifère - là on est quand même entre 450 et 290 millions d'années. On peut à minima considérer que des spécimens proches de nos libellules actuelles vivaient il y a déjà plus de 110 millions d'années. Pour connaître finalement une remarquable stabilité. Dotées d'une morphologie archaïque, leurs ailes antérieures et postérieures sont indépendantes. On est chez la libellule, les libellules ont un vol très peu spécialisé, un vol très peu spécialisé leur permettant de voler sur place ou même en arrière. C'est ce que moi j'appelle les performances Low-Tech de la libellule.
En comparaison, les mouches, représentantes des diptères les plus fréquentés par les humains, font figure d'espèce High-Tech. Apparues bien plus récemment, il y a 65 million d'années, avec leurs ailes postérieures transformées en altère et leur système de vision d'une incroyable sophistication, elles possèdent des caractéristiques remarquables, et elles ont connu un succès incontestable au sein de la biodiversité : une espèce animale sur cinq est aujourd'hui un diptère. Pour autant, là on va se rejoindre, pour autant, les mouches savantes n'ont pas remplacé les libellules archaïques. Plus encore, la simplicité du mécanisme de ces dernières apparaît aujourd'hui comme une qualité précieuse si on se place, et c'est tout l'enjeu, du côté des usages que celui des structures. Alors sans chercher à naturaliser les comportements sociaux, les destins parallèles de la mouche et de la libellule nous invitent à repenser la place que nous accordons en anthropologies des techniques aux solutions (ce mot je vais le proscrire) pauvres. Il y a plein de choses que je veux changer dans mon texte après ton intervention, mais bon là c'est trop tard."
Les Low-Techs et leur rapport au temps
Cartographie des modes de [dés-]assemblage pour ré-inventer les techniques et technologies
"Donc aux quatre coins du monde, des artistes, des designers, des ingénieurs, des bricoleurs, des collectifs repensent la technique. Ils la critiquent, la mettent en doute, la déplacent pour la remettre à une échelle humaine, quel que soit son bord. Plus il devient urgent de réinventer notre modèle de développement, plus se multiplient d'étranges technologies, d'étranges techniques qui sont non réductibles à l'alternative du High ou du Low. Mais comment qualifier ces expérimentations ? Alors on connaît le paradoxal procès en marginalité qui est mené, alors même si aujourd'hui la donne est en train de changer, contre la Low-Tech. D'une part, les techniques pauvres ne seraient pas à même d'influer sur l'économie générale. Elles seraient condamnées à rester la marque des suds, des pays pauvres dans le pire des cas, au mieux un pis aller. D'autre part, les solutions Low-Tech seraient l'expression d'un passe-temps utopique, un fantasme simultanément nostalgique et anecdotique, réservé au contraire à ceux qui ont le luxe de ne pas se soumettre au procès industriels les plus brutaux.
Moi, ma conviction, c'est que cette hiérarchisation doit être questionnée. Les techniques sauvages offrent bien des solutions pour se débarrasser de certains dualismes stériles. Inscrites dans une philosophie du détournement, plus que dans l'opposition catégorielle à l'innovation classique, les technologies basses ou sauvages se distinguent par les directions inattendues qu'elles donnent à l'innovation. Que se soit dans le temps, ou dans les espaces, d'étonnantes recombinaisons - et on en a vu là déjà - agencent de nouvelles formes d'innovations, qui apparaissent comme autant d'alternatives, qui sont plus que jamais à débusquer, à inventorier, à documenter. Et c'est là le projet ethnographique du travail que je fais. L'objectif de nos enquêtes n'est pas de cataloguer des formes de résistances ou d'inventions très diverses que recouvrait cette étiquette discutable de Low-Tech, mais plutôt de poser les bases d'une cartographie. Une cartographie alternative des modes d'assemblage et de désassemblage. C'est marrant moi je suis maintenant sur des processus de démantèlement : jusqu’où peut-on démanteler la Technosphère que tu as décrite, à un moment en plus où la masse anthropique - on sait aujourd'hui par des calculs qu'on peut discuter - mais aujourd'hui la masse anthropique de tous les objets qui ont été produits depuis le début a dépassé celle de la biomasse sèche. Donc qu'est-ce qu'on fait de ça, qu'est-ce qu'on fait de ces futures ruines, qu'est-ce qu'on fait de ce stock ? C'est une vraie question.
Donc alors des modes d'assemblage, de désassemblage à l'échelle de la planète Terre et de donner des outils précisément pour mieux penser ces manières de fabriquer qui échappent à toute classification ; ces manières de faire et de fabriquer qui bousculent des codes, redéfinissent ce qu'innover veut dire. Alors on disait Low-Tech, High-Tech, Wild-Tech, Milieu-Tech, comment on réinvente aujourd'hui la technique et la technologie. Parce que maintenant je vais être obligé de faire la distinction jusqu'à la fin de mon exposé, en bon technologue, et petit fils d'Haudricourt caché."
Penser la Low-Tech à part entière dans sa dimension politique
"Âge de pierre, âge de bronze, âge de fer, on a tous appris ce refrain. De la préhistoire jusqu'à nos jours, chaque invention, innovation trouverait sa place dans une chronologie linéaire, orientée vers toujours plus de complexité : du low vers le high. A peine sommes nous rentrés - on l'a vu de manière éloquente - dans l'ère digitale, qu'on nous annonce déjà une nouvelle époque, marquée cette fois par la domotique, la robotique, les biotechnologies, et mille et une autres inventions merveilleuses. La Low-Tech, à l'inverse, est tantôt définie négativement : pauvreté de moyens, économie des modes de composition, tantôt positivement : économique, efficace, durable, participative, elle viendrait partout ébranler la toute puissance du High-Tech. Mais avec la Low-Tech, ce ne sont pas une autre lecture des techniques, d'autres façons de concevoir qui se donnent à voir - et j'y viens - mais des populations entières d'hommes et de femmes, des procédés dont le rôle a bien souvent été sous-estimé, de l'Inde à l'Afrique en passant par l'Asie. Parce que dans l'histoire qu'on raconte, on la raconte toujours du point de vue européen. Donc en perpétuelle redéfinition puisque la Low ne se conçoit que par rapport au High, et ça on y reviendra, il est constitué comme un genre en soit aujourd'hui, avec ses variantes, aussi bien dans le domaine du management, et tu l'a dit, et des chaînes d'assemblage où elles recouvrent tout un usage de modèles subalternistes, type Jugaad que dans celui du design, ou de l'art où les mouvements d'innovation se multiplient recouvrant diverses formes de résistance et de critique vis-à-vis de l'injonction à l'innovation technologique. Je vous renvoie vers les travaux de Jean-Paul Fourmentraux.
Donc la nécessité de repenser des modèles de l'innovation se traduit par la mise en circulation de nouvelles méthodes dans le domaine de la conception par des appels - on y reviendra - à l'expérimentation. Des invitations à refaire du neuf avec l'ancien. Des manifestes pour un retour en avant, ou un recalibrage de la technologie pour qu'elle soit à nouveau à l'échelle humaine, tu nous en a parlé. Ou encore le logiciel libre, tu en parlais, qui invite à une réappropriation démocratique des moyens du faire, et à leur redistribution, et là il y a un vrai enjeu. Tous ces mouvements n'accordent pas à la Low-Tech la même puissance de reconfiguration, mais le choix des bons modes d'assemblage, des assemblages, des modèles plus adaptés s'imposent désormais comme une question centrale, et c'est là où je voulais en venir. Aucun champ du faire aujourd'hui ne semble échapper à cette refondation, du textile à l'agriculture en passant par l'énergie, ou encore les technologies de communication.
Donc réfléchir aux Low-Techs, aux possibilités qu'elles ouvrent, comme leurs limites, invite donc à penser les dimensions politiques des techniques, comme nous y pousse par exemple - et peut-être que tu pourras mieux en parler que moi parce que moi je les connais pas, je les aient lus mais je les connais pas - la coopérative d'auto-construction de l'Atelier Paysan, c'est quelque chose que vous connaissez peut-être. Ce qui est intéressant c'est leur réflexion sur cette souveraineté technique des paysans, contre le motif classique éculé de leur neutralité, ou du renvoi aux seuls usages dépolitisants et désindividualisants des objets, et ça tu l'as dit de manière éloquente je ne reviendrai pas là-dessus. Ce qui est intéressant, ce qui m'intéresse là c'est comment cette coopérative défend la souveraineté technique dans ce monde agricole, qui est, tu l'as bien dit, la matrice de cette culture technique qu'aujourd'hui on essaie de se réapproprier. Avec de multiples centres de formation, elle accompagne les agriculteurs, les agricultrices dans la conception et la fabrication de machines. Je vous mets juste un exemple mais il y en a plein d'autres, d'outils conviviaux adaptés à une agroécologie paysanne."
Rapport au temps des pratiques Low-Tech : Slow-Tech
"Donc les pratiques Low-Tech possèdent un rapport au temps, c'est un deuxième point, au temps singulier. Elles déjouent les progressismes linéaires pour mieux interroger nos conceptions de l'évolution des techniques, en intégrant la créativité propre aux usages. L'histoire des techniques toute entière est faite de choix qui ne vont pas de soi, mis en cause et remis en cause, de résurgence et d'expérimentation. Et la gradation des genres, les propositions nouvelles de formes de techs - Slow-Tech ou encore No-Tech dans le domaine du design - est le témoin de ces mouvements agités qui font trembler la technologie sur elle-même. Elle multiplie les voies possibles, et c'est ça qui est intéressant, dans un domaine bien trop souvent condamné à osciller entre un Low et un High dont on voit qu'il peut être stérile.
Vous connaissez ce dessin ? Il appartient au collectif Encore Heureux, Nicola Delon et Julien Chopin, que je salue au passage, qui introduisait leur expo. Donc je ne vais pas revenir là-dessus parce que là on était dans ton introduction, on disait voilà : aujourd'hui il y a deux manières de prendre le problème : on a des trous et on a des tas. Un problème de ressources et un problème de déchets. Moi je suis entièrement d'accord avec toi, on est tout le temps en train de nous expliquer qu'on va avoir un problème de ressource. Le problème qu'on a c'est les tas, aujourd'hui, on sait plus où vont ces histoires. Donc, je ne vais pas m'étendre là-dessus parce que ce serait trop redondant avec ce que t'as pu dire jusqu'à maintenant. Moi ce que je veux vous dire à cet endroit-là c'est que l'économie de gestes et de moyens, tout comme les politiques de recyclage et de réemploie à l'œuvre, même si elles sont une nécessité, elles ne pourraient être que des solutions de courte durée, c'est tout.
D'autres chemins véritablement productifs doivent être explorés. Et certains s'inspirent du vivant ou de la biologie, brandissant par exemple le miracle de l'autogenèse, cette idée selon laquelle des formes de vie peuvent apparaître de nouveau à l'image du récif artificiel qui se régénère par accrétion minérale. C'est quelque chose que vous connaissez peut-être ici aussi, donc là je vous renvoie vers le travail de David Enon, qui était venu ici. Donc en fait voilà, si on considère cinq minutes l'autogenèse, il s'agit à l'origine d'une vieille doctrine selon laquelle des formes de vie peuvent apparaître de nouveau, sans aucune sorte d'origine. C'est une notion toujours en usage en biologie, dans ce contexte, il s'agit d'une genèse qui se produit sous la propre impulsion de l'organisme, sans influence extérieure. Abordée sous l'angle de la production, c'est pour ça qu'on est là, l'autogenèse est une utopie, celle d'une matière qui s'auto-génère, s’auto-organise. Donc là on est pas dans un système d'addition comme tu disais tout à l'heure, ni même de retrait, on est ailleurs. Le rêve d'un objet qui s'auto produirait totalement. Une autoproduction où l'intervention de l'homme serait réduite à minima, donner l'impulsion la plus petite possible et la matière s'agencerait elle-même, tranquillement, paisiblement. Ce processus de composition Slow-Tech, qui va au-delà de Low-Tech, tend finalement vers cette utopie du No-Tech.
Alors si ces enjeux semblent n'être qu'une pure utopie, David Enon travaille lui de manière bien plus modeste, avec des capacités opératoires singulières, qui ont le mérite d'engager sur cette voie, comme un début, un chemin de traverse, qui dans la limite de son potentiel, de ces spécificités matérielles, à contre-courant de la plupart des logiques industrielles à l'oeuvre, David Enon développe depuis une demi-douzaine d'années un projet de production d'objets par accrétion minérale, en détournant de son objet principal un système de récif artificiel appelé Biorock. Ce qui est intéressant dans le cas de David Enon, c'est qu'il développe sa réflexion autour de l'alter-production, une production à partir de matériaux pauvres, et de dispositifs techniques primaires - et on revient peut-être à Global Tools que je découvre avec vous, il faut absolument que je lise votre livre - dans une relation directe au contexte économique et environnemental, une production à l'heure où le design s'émancipe de l'industrie, mais ça on pourra en discuter."
L'ingéniosité du détournement pour répondre à divers besoins ou motivations
Contexte de production à Dakar pendant la covid
"Moi ce qui m'intéresse c'est que, aux quatre coins de la planète, l'expérimentation, l'intelligence de l'adaptation, l'ingéniosité du détournement pour répondre à divers besoins ou motivations sont des valeurs les plus partagées. Alors je voudrais prendre un exemple qui est tout neuf, je sais pas très bien comment en parler encore, mais voilà un exemple d'expérimentation qui a eu lieu l'année dernière à Dakar, où j'étais pour faire des enquêtes ethnographiques. Et vous savez à Dakar comme ici, comme pas mal d'endroits, tout d'un coup alors tout ne s'est pas arrêté mais les choses ont vraiment ralenties, et moi je travaillais avec des ferrailleurs, je travaillais avec des mécaniciens, je travaillais avec des fondeurs artisanaux, et on était comme ça dans le giron d'un FabLab qui s'appelle Kër Thiossane. Je vous en parle parce que j'ai rencontré quelque chose là-bas que j'ai jamais rencontré dans d'autres lieux comme ça, souvent les FabLab que j'ai pu voir, donc il y avait effectivement cette culture du Do It Yourself, tu parlais de makers, de gens qui bricolent finalement par goût.
Et d'un autre côté vous aviez ces artisans, métallurgistes, soudeurs métalliques, charpentiers, menuisiers, qui bricolent aussi, qui font avec ce qu'ils ont, mais qui bricolent par nécessité. Et donc on avait deux cultures techniques, que j'ai côtoyé mais que j'ai vu très peu se rencontrer. Et à Dakar, parce que tout simplement le FabLab était posé au milieu des ateliers d'artisans, et bien la rencontre se fait. La rencontre se fait, et ça donne des choses assez passionnantes. Alors là l'expérimentation elle était toute bête, à un niveau très personnel c'est comment moi je mets les mains dans le cambouis, comment je travaille avec un soudeur métallique, autrement que ce que je fais d’habitude. À savoir que d'habitude c'est je suis là, au-dessus de son épaule, dans ses pattes, jamais au bon endroit, toujours en train de le gêner. Il est en train de faire un truc, il est en train de souder, et il y a toujours un anthropologue qui est là, qui lui pose une question, il lui répond et donc, bref, on a un vrai problème, on se gêne quoi. Mais quand on se met tout d'un coup à faire un truc ensemble, la donne change complètement, et c'est l'accès à ces savoir-faire dont tu parles qui s'intensifie, et ça devient super. Et donc j'ai appris avec lui, en faisant quoi, un lave-main. Alors un lave-main vous allez me dire pourquoi mais on y reviendra, le lave-main entre nous je vais vous le vendre aujourd'hui, parce que les artisans de Dakar ils ont besoin de vendre ce qu'il fabriquent, donc il m'a dit “arrête tes conneries, ce truc c'est un prototype, il est génial, tu en parles où tu veux et tout mais ne dis pas tout, parce qu'on va faire de la petite série, parce que moi je veux équiper l'école de mon quartier, je veux équiper l'hôpital qui est en face” et tout, et donc on y va.
Donc on est pas dans l'anecdote, on est pas dans la petite échelle, on est dans le fait sur-mesure, on est dans la petite série. Donc quand le virus arrive, ça va pas être un scoop, mais à Dakar on est prêts. On est prêts, c'est tout le contraire. De voir finalement la crise comment elle s'est déroulée ici de là-bas c'était assez drôle, parce que tout était complètement renversé. Pourquoi, parce que les épidémies ils connaissent, depuis longtemps, ils sont quand même passés par Ebola, donc à un moment donné, les masques c'est quoi, la gestion d'une épidémie, c'est quoi la santé publique ? C'est des gens, et c'est des choix à faire. Et eux, ils ont ces brigades de santé communautaires qui sont là pour faire les grandes campagnes de vaccination, qui connaissent les chefs de quartier, qui vont chez les gens et tout. Des objets c'est quoi, ben c'est des masques, c'est pour se laver les mains, et donc là il n'y a pas de problème parce que tous les tailleurs du coin de rue se mettent à faire des masques. Parce qu'ils ont compris qu'à un moment donné c'était important. Et l'autre moyen de transmission dont on parlait, je sais pas si on en parlait ici mais qui était vraiment par les mains, et qui est une vraie problématique parce que l'eau c'est une autre affaire. Et l'eau dans l'espace public, les accès peuvent être un peu compliqués. Et donc on a embrayé là-dessus, on était pas les premiers, c'est-à-dire que dès que le truc est arrivé qu'est-ce qui donnait à voir ce virus invisible, et ben c'était tous ces dispositifs-barrières qui se matérialisaient. Et du coup en fait les gens se sont mis à mettre de l'eau à disposition, et du savon, de mille et une manières, dans la ville.
Donc vous voyez là j'ai fait un espèce d'inventaire et tout, le principe le plus simple c'était quand même on prend n'importe quel réservoir, donc le baricaut qui est un objet assez génial, et on lui met un robinet. Le problème de cette affaire-là, c'est que généralement c'était posé au milieu, et on avait des petits micro-dispositifs de distribution d'eau décentralisés, non raccordés, et finalement, faute de lien pour les remplir, pour les vider, ça marchait pas. Et il y avait encore un peu de contact pour l'utiliser. Et donc en fait, on voyait naître tous ces trucs-là, mais finalement les gens ne les utilisaient pas. Et du coup avec Bass, Bass qui est vraiment connu, et donc là on est à Kër Thiossane, Bass pourquoi on le connaît à Dakar, parce que vous avez comme ça des motos chinoises à 600$, qui arrivent aujourd'hui en masse. Et donc toute la motorisation des plus pauvres d'entre nous se fait à deux roues. On y reviendra, parce que moi je suis un fétichiste des trois roues, je vous en parlerai après. Et donc ces motos deux roues, Bass les transforme, il les transforme en quoi, en trois roues. Alors je vais pas vous faire la chaîne opératoire du re-carrossage du deux roues de la moto chinoise, mais elle est super. Il le fait pour qui, il le fait pour tous les handicapés moteurs de Dakar, et en fait ça a changé leur vie. Donc quand vous allez dans l'atelier de Bass, vous êtes le centre de gravité de la mobilité réduite dans une ville qui n'est pas du tout adaptée."
Le lave-main collectif, adaptation par ré-assemblage
"Et donc il a adapté les véhicules et ça marche super bien, et tout le monde le connaît pour ça. Et donc on est partis sur cette histoire de lave-main. Pour vous dire voilà on est partis sur des prototypes je vais pas rentrer dans le détail mais ce qu'il faut savoir c'est que du coup la matrice du dispositif qu'on a mis en place, et le changement d'échelle qui a été le nôtre, il est, c'est en fait le bidon-valve-arrivée d'essence-câble de frein. D'accord, je ne vais pas rentrer dans le détail parce qu'il m'a fait promettre, et j'ai tenu ma promesse. Il m'a dit je voudrais que tu déposes notre dispositif bidon-valve-tuyau d'arrivée d'essence, et je l'ai fait. Il y a une déclaration officielle du CNRS pour ce truc-là. Alors je vous dit pas le casse-tête, parce que par où passe l'innovation quand vous travaillez que sur du ré-assemblage de matériaux récupérés, quand justement tout est dans la matière grise, tout est dans le savoir-faire et tout. Et ça, ça a été une discussion avec les services juridiques qui a été assez intéressante parce qu'il fallait que je leur dise “mais qu'est ce que vous avez fait de neuf”, mais rien. Alors si on a quand même quelque chose de neuf c'est qu'on s'est aperçus que tous les dispositifs qui avaient comme ça fait irruption dans l'espace public, c'était des dispositifs individuels.
On avait un problème d'échelle, il n'était pas raccordé, les liens n'avaient pas été pensés, ils étaient individuels. Et nous en fait on est partis là-dessus au début - je vous montre là vous voyez tout - je rentre pas dans le détail, si ça vous intéresse je fais passer la petite revue Azimut de vos collègues à Saint-Etienne qui a publié toute cette histoire. Voilà, on a changé d'échelle. Nous on a pas fait un bidon relié à un truc, on s'est dit il nous faut un point d'eau, qui soit un point d'eau économe et donc en fait le dispositif permet d'utiliser trente fois moins d'eau qu'un robinet ouvert pendant trente secondes pour se laver les mains. Il permet d'utiliser dix fois moins d'eau qu'un robinet sans contact à infrarouge, et là je vous parle des 20 secondes réglementaire d'eau savonnée et frottée, et surtout, il est collectif. Tu parlais des communs tout à l'heure, c'est tout d'un coup comment on fait des petits micros châteaux d'eau, non raccordés dans la ville, et qui puissent comme ça, donc là on a un réservoir de 200 litres donc c'est 2000 lavages. Et ces micros châteaux d'eau en fait, ils sont en train de bourgeonner dans la ville, de sortir, donc vous le voyez. Alors au début ce qui est marrant c'est que tout le dispositif on l'a caché, pour les raisons que je viens de vous dire.
Donc là, on est plus du tout dans du Low-Tech parce que pour cacher ça on a utiliser de l'alu combo, donc l'alu combo tout d'un coup ça nous détache, c'est le fait de cacher, c'est-à-dire on fait ça dans un Kër Thiossane qui est vraiment open-source au bout des doigts, mais on le fait avec des artisans de la médina. Et quand on travaille dans ces ateliers c'est le soir, pour pas que le voisin d'à côté sache exactement ce qu'on fait, et du coup tu sais comment on a réglé le problème, on a fait plusieurs prototypes. Il y en a qui sont complètement ouverts, et il y en a un qui est fermé, pour qu'il puisse manger. Mais c'est une vraie question, moi je l'ai pas résolue encore. Bref, je vous rentre pas dans le détail des usages. Donc là on l'envoie dans la mairie, et surtout le crash test ça aura été un vendredi de prière, au moment où les mosquées réouvraient, donc la mosquée à Dakar c'est comme un stade de foot, c'est 20 000 personnes qui convergent et donc ils ont un vrai problème. C'est-à-dire que respecter la distance physique entre les gens qui prient, se laver les mains, les masques, c'était la condition de la réouverture. Donc ils étaient en train de faire une performance, c'est-à-dire qu'ils devaient -les responsables de la mosquée devaient - montrer qu'ils pouvaient gérer ça, et ils ne savaient pas comment gérer l'histoire des mains. Et du coup c'est avec ça qu'on y arrive.
Donc là on fait les 2000 lavages en même pas une heure, on atteint un problème. Ce qui est important, et pourquoi je vous raconte ça c'est que le micro château d'eau marche, parce qu'à chaque fois il s'insère ou il crée son milieu. Là, vous êtes à la mosquée. Donc toutes les questions d'alimentation, de vidange, tout ça c'est pas automatisé, non, c'est le gardien de la mosquée qui s'approprie l'objet, qui l'investit, et qui fait qu'à un moment donné il va pouvoir marcher. Quand vous êtes dans une mairie pareil, le jardinier de la mairie d'arrondissement c'est le personnage central de nos dispositifs socio-techniques. Parce que c'est lui qui va expliquer comment il marche, parce qu'on s'est rendus compte que parler des techniques du corps, que c'était pas du tout évident, enfin bref, je m'attarde pas j'ai déjà pris du retard. Voilà en gros l'idée en tout cas, c'est que l'invention ici elle se fait par petits détournements des pratiques et des choses. La forme et l'idée surgissent dans un processus d'essais/d'erreurs, produit par des assemblages d'objets déjà là, les savoir-faire tenant alors dans l'exploration d'agencements imaginés. C'était ça, on va pas remobiliser quelque chose, c'est ce travail d'imagination que moi j'ai voulu documenter dans ce face à face avec Bass et la soudure.
Donc s'esquisse ici une topologie des formes de l'innovation technique qui ne reposerait plus sur des critères de rupture, de sophistication ou de traditionalité des processus de fabrication, mais sur des capacités - tu le disais très bien tout à l’heure - de recomposition dans des contextes qui sont marqués par l'hétérogénéité des besoins et des enjeux.
Alors bon je voulais vous parler du Commodore 64, on va vraiment être pris par le temps, j'en profite pour faire circuler le numéro de Technique et culture et vous verrez dedans en fait tout un tas de cas que je ne pourrai pas évoquer aujourd'hui. Ce qui est très intéressant avec le Commodore 64, c'est qu'on est au-delà de ce dualisme artisan/industrie, parce que là on a une société qui est Commodore Business Company qui est complètement revisitée par une communauté de musiciens qui cherchent à fabriquer des sons très particuliers, et qu’ils vont aller chercher dans la High-Tech. Parce que à l'époque du Commodore - où il sort - on a vraiment des circuits électroniques qu'on cherche encore aujourd'hui, parce que justement, on pourrait parler aussi de la qualité des choses fabriquées - et qui vont les recombiner selon un processus qui est au cœur de la Wild-Tech que je voudrais décrire. Donc voilà, on part tout le temps de l'existant, on part de déjà ce qu’il y a là, et on l'hybride. Vraiment j'espère vous avoir donner envie de lire Démonter, extraire, combiner, remonter donc de Nicolas Nova, qui lui enseigne à la HEAD à Genève."
L'Histoire des usages face à l'histoire des inventions
Répertorier les techniques et technologies, les additionner
"Donc il est difficile de souscrire au vieux paradigme de l'innovation selon lequel des révolutions technologiques majeures auraient scandé notre histoire, tout en marquant définitivement chaque époque. Chaque invention devenant plus ou moins obsolète lorsqu'elle aurait dépassé son temps. Une telle conception de l'histoire de la technologie est aujourd'hui largement remise en cause par les enquêtes que peuvent faire les anthropologues à l'échelle du monde sur la façon dont se constituent et se renouvellent les parcs techniques. Convaincu que notre avenir sera Low-Tech ou ne sera pas, donc Kris de Decker vous connaissez peut-être, donc là aussi une référence que je vous invite à découvrir, avec un site Low-Tech, qu'il fait lui-même. Il fait une espèce de prospective du passé - lui il a passé sa vie à tracer, à documenter."
Victor Petit : "Le site est lui-même en Low-Tech, comme ça vous verrez ce qu'est un site Low-Tech, il fonctionne à l'énergie solaire. Donc comme la météo est importante, il est intermittent, il ne marche pas tout le temps."
Yann Philippe Tastevin : "Après j’ai collègue qui habite à 40 km d’ici qui est obligé de venir à la fac parce que quand il y a trop de vent sur la crête dans laquelle il vit - en dépit de la 4G, de l’optique - internet devient intermittent à cause du vent.
L’histoire doit être ré-interrogée donc lui qu’est-ce qu’il fait, Kris ? Avec un soin méticuleux, il prend l’histoire des techniques à rebours, dévoilant une quantité incroyable de technologies oubliées, abandonnées, mais qui pourraient bien faire leur retour un jour ou l’autre. Je prends deux exemples très rapidement : il pourrait être surprenant d’apprendre qu’au XVIIIe siècle le télégraphe optique permettait d’envoyer des messages textuels à travers toute l’Europe à une vitesse de 1200 km/h, SANS électricité. Pareil, donc c’est des formes de fiches vous allez voir c’est très documenté, tout est sourcé. Vous avez un vrai catalogue que vous pouvez consulter et qu’il enrichit de mois en mois.
L’histoire de l’automobile - on en parlait tout à l’heure avec Illich - c’est vrai que vous prenez la 2CV aujourd’hui - qui a été inventée il y a 60 ans - qui reste aujourd’hui la plus efficace sur le plan énergétique. Mais parce qu’elle a fait, la 2CV - il y avait - des partis pris qui sont intéressants sur la légèreté et sur laquelle je vais revenir en vous parlant des rickshaws.
Re-considérer les technologies à l’aune de leur usage véritable, ce n’est pas seulement la chronologie du progrès technique qui s'en trouve bouleversé, c’est bien la manière-même de concevoir les processus d’innovation - jusqu’à l’idée-même qu’on se fait des technologies particulières - et de leur place dans la société qui s’en trouve modifiée. Là vraiment je vous renvoies au travail d’un collègue historien des techniques anglais : David Edgerton, qui - tu veux peut-être en dire un mot, moi je le trouve complètement punk dans son histoire."
V. P. : "Le nom de son livre c'est Quoi de neuf sous le soleil"
Y. P. T. : "Traduction tout pourrie entre nous. Le titre anglais c’est The Shock of the old."
V. P. : "C'est l'essentiel de l’histoire des techniques aujourd’hui. C’est que les phases, ces phases pas de succession mais d’addition - l’énergie la plus consommée aujourd’hui c’est le pétrole même si il y a le nucléaire qui a plus d’impact aujourd’hui qu’il y en avait etc - et ça c’est l’idée qui est -Fressos - Edgerton nous montrait très bien que si on se concentre sur l’histoire des usages et non pas sur l’histoire des inventions avec leurs mythes (Edison etc) - toujours la même histoire - alors la lecture des techniques est complètement différente. C’est-à-dire que celles qu’on présente comme des innovations sont souvent très peu usitées, et la réalité est souvent bien ailleurs : il y avait encore énormément de chevaux au début du XXe siècle et - je vais te laisser continuer. Mais c’est ça, c’est vraiment se concentrer sur les usages et sur les pratiques plutôt que sur la poiesis change notre regard sur les techniques."
Y. P. T. : "Je pense que ça fait partie des livres à lire, si on devait en lire deux-trois."
V. P. : "Après je vous conseille l’article « De l'innovation aux usages. Dix thèses éclectiques sur l’histoire des techniques » d’Edgerton, c’est plus court que le livre.
Y. P. T. : "T'as raison, c'est plus court que le livre, et on l'a traduit dans le numéro qui circule aussi, sur les technologies créoles, donc sur l'hybridation. Parce que finalement le cœur de l'idée de la Wild-Tech c'est l'hybridation, mais on y reviendra.
Donc il est difficile en effet de se satisfaire des dichotomies trop simples qui sont encore communément employées pour expliquer l’évolution d’une technologie par un contexte historique global, qui permettrait d’en expliquer le cours. L’ambition du travail qu’on fait (on est plusieurs) est de montrer qu’un tel changement de perspective n’implique pas seulement de relativiser les nouvelles formes de dualisme contemporain : Low-Tech/High-Tech, local/importé, artisanat/industriel/post-industriel… C’est autant de cas qui invitent à se défaire des grands modèles de rationalisation du faire, qui ont longtemps servi comme référent pour penser ce qu’assembler veut dire dans des espaces localisés dans un temps donné."
L’Émergence de l’électro-mobilité au Bangladesh avec l’exemple du rickshaw
"Je vais prendre pour illustrer cette idée un exemple qui est celui du rickshaw. Au Bangladesh, j’ai pu faire des enquêtes. Il y a un véritable conservatoire de tout ce qui s’invente. Tu parlais des additions, c’est vraiment une idée intéressante parce qu’il n’y a pas de transition énergétique, il y a une addition d’énergie, ça c’est important. Au Bangladesh on a un véritable conservatoire vivant de tout ce qui s’invente et roule sur 3 roues depuis maintenant un demi siècle. On trouve sur la route tous les modèles existants du plus ancien au plus récent. Mais le plus étonnant est l’arrivée en grand nombre de rickshaws propulsés par de petits moteurs électriques de 1000 W alimentés par des batteries au plomb. Au Nord, on persiste à prédire une croissance imminente de la voiture électrique bien que son succès commercial soit encore balbutiant. Ça a l’air de changer je ne sais pas. Alors qu’au Sud, de nouveaux constructeurs électrifient massivement des technologies de transport dérivées de la bicyclette. L’auto-rickshaw renoue ici avec les origines de l’automobile. La prolifération rustique d’un ensemble d’accumulateurs rechargeables inventés il y a 150 ans par le français Gustave Planté questionne cette éternelle émergence de la voiture électrique. Du plus artisanal au plus sophistiqué, de leur conception à leur distribution… Il s’agit de montrer comment l’électrique transforme l’auto-rickshaw qui lui-même transforme l’automobile. L’enjeu ethnographique ne serait pas d’analyser le développement de l’électro-mobilité là on ne l’attend pas, dans les pays pauvres où elle ne prend pas la forme d’une voiture mais d’un rickshaw.
C’est important, c’est ce que tu disais tout à l’heure sur les voiture en location (l’économie de la fonctionnalité) : c’est que le rickshaw embarque des choix techniques assez forts. Un parti pris d’abord de la légèreté - là on a un véhicule qui a vide fait 200 kg, à plein il fait 500 ou 600 kg. Donc en fait l’énergie massive de batterie au plomb qu’on pourrait penser pas adaptée à la propulsion l’est. Pourquoi ? Parce que c’est un véhicule léger et il va lentement. Parce que le rickshaw il a intégré ce que tu disais tout à l’heure, il prend moins de place, il a intégré la congestion. Si vous regardez les vitesses moyennes en ville, c’est 16 km/h et dans les grandes métropoles du monde c’est 10 km/h. (VP « Le vélo c’est 15km/h ») Le rickshaw électrique il a une vitesse de pointe de 25 km/h. Donc le calcul il est fait là sur la légèreté. Évidemment le rickshaw n’est pas une voiture personnelle, c’est un mini taxi, c’est un transport pour 5-6 personnes. Voilà le genre de déplacement qu’on observe de manière massive.
Moi quand je suis arrivé à Khulnâ dans cette petite ville - j’y suis arrivé parce que je parlais d’autres rickshaws comme ici et quelqu’un m’a dit “mais c’est incroyable, moi j’étais au Bangladesh il y a pas très longtemps et j’ai vu des rick-show et j’ai l’impression qu’ils sont électriques ” c’était il y a une dizaine d’années ce que je vous raconte. Je me suis dit, tiens il y a des rickshaws électriques, ça m’intéresse je vais aller voir.
Je m'attendais à quelque chose, je ne savais pas ce que j’allais trouver. Je vous cache pas qu’au passage - je peux le dire maintenant - j’ai quand même vendu une enquête sur l’émergence de l’électro-mobilité (là on ne l’attend pas) à Renault, qui ont financé une enquête dont ils oint récupéré 10% (donc je vis sur les 90 autres) - c’est assez drôle - sur la base d’une photo que m’a montrée un collègue en me disant “attention il se passe quelque chose là-bas”. Moi je pensais aller voir des prototypes - j’adore ça - non. J’arrive dans une ville millionnaire, l’ambiance urbaine a changé parce qu’il y a 4500 mini taxis électriques qui roulent dans la ville. Ils sont silencieux ces trucs. On retrouve les vélos, on trouve la mobilité, et on trouve le vélo-rickshaw à assistance. En fait la transition elle a déjà été faite, alors que moi je pensais trouver des prototypes."
Hybridation de la batterie au plomb
"Vous allez voir, ça pose plein de problèmes, tu l’as dit. On vous a expliqué ici ce qui pose problème c’est la charge, et l’infrastructure de la charge. On parle même pas de la fabrication - tu nous as fait l’ACV des batteries, c’est tellement vrai - je ne vais même pas jusque là, juste la charge. Ce qui s’est passé là-bas c’est que les gens - vous avez un système de tarification progressive comme en France - ils se sont rendus compte que si vous chargez chez vous, vous dépassez le seuil des usages domestiques et vous changez de tranche. Donc ça devient trop cher de charger chez soi. Il y a toute une infrastructure adobe? À domicile? de la charge mutuelle, opérative, qui s’est développée. Du coup ils roulent le jour et ils chargent la nuit. Ça joue aussi sur les pics. Le mix Bangladeshi de production d’énergie c’est surtout du gaz naturel à l’Ouest et … Ça rend l’affaire intéressante. Après on ne va pas se leurrer, il se passe un truc qui est incroyable et qui est - peut-être je vais terminer là-dessus - que ces rickshaws sont chinois.
Les chinois arrivent avec la meilleure qualité de batterie qui peut y avoir. Les batteries au plomb tout le monde sait les fabriquer, tout le monde sait les recycler : avec des vieilles batteries on fait de nouvelles batteries - après il faut voir dans quelles conditions, on pourra en reparler -. Mais en tout cas, la batterie au plomb a une valeur intrinsèque qui fait qu’on peut la réutiliser. Ils arrivent avec des batteries flambant neuves qui marchent très bien, les gens investissent dans ce qui est une entreprise familiale de transports. La moitié du prix de ces rickshaws électriques c’est un jeu de 5 batterie montées en série. La moitié de sa valeur marchande, de son poids aussi, sa masse théorique. Les premiers jeux de batterie, vous savez, c’est pas les batteries de démarrage qu’on connait pour les voitures, c'est une autre batterie, mais c'est deux ans. Une batterie ça vit en gros - quand vous utilisez ça de manière commerciale - deux années. Les batteries chinoises vivent deux ans. La première année vous amortissez votre investissement, la deuxième année vous gagnez un peu d'argent qui permet de continuer. Très rapidement, quand la niche au Bangladesh est arrivée à saturation, les importateurs banglado-chinois, ils achètent plus la première qualité, parce que leurs marges elles ont un peu baissées, ils achètent la troisième, et le temps de vie de la troisième qualité de batterie elle est d'un an. Donc en fait on se retrouve dans des situations où les gens qui ont investi là-dedans n'ont même pas récupéré leur mise au bout de la première année qu'ils doivent réinvestir là-dedans. Évidemment il y a des batteries au Bangladesh qui coûtent moins cher que les chinoises, mais les chinois ils ont fait ce truc : c'est que la batterie au plomb qui a 150 ans est quelque chose de nouveau, attachée à un objet chinois, qui est le rickshaw. Donc personne ne veut de batterie locale. Les gens se retrouvent dans une situation un peu compliquée, et là vous avez quoi ? un tuyau d'arrosage d'échappement. Parce que lui typiquement il n’a pas réussi à thésauriser l'argent qui lui permettait de racheter des batteries, et donc il a pris le moteur de sa moto thermique, et il l'a mis sur son rickshaw électrique ; il a fait un hybride.
Donc voilà, moi ce qui m'intéressait c'était de montrer les va-et-vient, et comment se jouent des transitions à une échelle comme ça, d'une ville millionnaire. Mais je ne vais pas rentrer dans les détails."
Envisager la maintenance, réparation et ouverture des objets techniques à de multiples échelles
"Dernière idée, et après vraiment peut-être que je te passerai la main là-dessus parce que ça va rejoindre. Bon je vais très vite. C’est juste se dire que voilà on peut être frappé par l'éclectisme des modes de composition expérimentés de part le monde, mais aussi des connections qui s'opèrent dans la circulation des composants, la fragmentation des chaînes d'assemblage et leur redistribution. Si de nombreux exemples invitent à rompre avec une vision trop linéaire des filières conception-fabrication-distribution-usage, au profit d'autres modes de partage et de distribution de l'acte de composition lui-même, des modèles alternatifs impliquant d'autres durées doivent être envisagés. Et notamment celui de la maintenance généralisée. Maintenir est à mon avis le geste Low-Tech par excellence. Et une anthropologie de la Low-Tech ne peut accorder qu'une place centrale à tout ce qui s'assemble, se réassemble dans des activités de réparation, de maintenance, mais aussi tout ce qui vient faire filière à nouveau, ou se remet en circulation à nouveau, dans d'autres états, loin de leur lieu d'origine, souvent sous-estimés dans les approches partant des inventions pour aller vers les usages. Designer, artisan, réparateur, ingénieur, paysan, mais aussi simple usager ou amateur, replacent - là c'est le moment simondonien, pour toi, spéciale dédicace - replacent la chose en usage, en état de genèse perpétuel. Ici et ailleurs, des communautés pratiquent, expérimentent, détournent des objets techniques réputés fermés, ou clos, qui ne peuvent pas être modifiés, en objets techniques ouverts, qui peuvent être réactualisés, réparés, transformés, dans le but d'en prolonger la vie, et ce à de multiples échelles.
Je termine très vite sur les exemples et je te passe la main là-dessus. On connaît depuis longtemps le rôle crucial de Shenzhen - parce que l'ethnographie que je fais je veux pas qu'elle se limite aux ateliers de Bass, dans la médina quartier des fondeurs, c'est comment on explore tout un tas de milieux techniques -. On connaît depuis longtemps le rôle crucial que Shenzhen joue dans la production de masse des smartphones, mais il est difficile de deviner que cette zone franche sert également de centre mondial pour la remise en circulation des téléphones usagés. Une partie considérable des smartphones haut de gamme endommagés réapparaissent au cœur de la ville dans des ateliers verticaux du quartier de Huaqiangbei - là on pourra parler big, comment le big s'empare de la maintenance et de l’économie - où ils sont remis à neuf et revendus, utilisés comme réservoirs de pièces de rechange par des dizaines de milliers d'artisans et de commerçants. La circulation des composants, des matériaux, des savoir-faire, contribue fortement et de manière originale à la constitution de parcs technologiques, d'amoncellement de pièces détachées, voire de cimetières disséminés dans des lieux insolites. Ces décharges constituent le point de départ de nouvelles filières. Je vais m'arrêter là-dessus, je vais juste vous montrer les photos et je vais te redonner la main. Je pourrais vous reparler de comment on a tracé ces circulations et de tous les problèmes qu'elles posent, des points chauds de contamination qu'elles peuvent gérer systématiquement… Je trouvais ça très intéressant que tu termines sur le dé-projet et le défaire, parce que moi maintenant je suis dans une anthropologie de la casse, sur des filières de démantèlement, en suivant ce qu'il se passe.
Du coup on est sur des carambolages d'échelles plus locales, sur des microcosmes et des choses qui sont étonnantes. Je vous donne un peu un aperçu de tout ça : comment finalement aujourd'hui on a des filières de reconstruction automobile qui sont passionnantes à étudier. J'ai été invité par vos collègues designers qui me montraient des choses comme ça, et puis je leur disais “mais regardez vos voitures mécanos c'est quelque chose qui existe déjà dans toutes les casses du monde”. J'ai un autre cas génial, mais je vais m'arrêter et je vais te donner la main. Peut-être que tout à l'heure si j'ai le temps on finira sur ces formes d'hybridation industrio-artisanales, où là on est au Tamil Nadu, sur une machine qui permet de creuser des trous pour avoir accès à l'eau.
Merci, j'étais pas trop long j'espère."
2e intervention de Victor Petit : Milieu-Tech
Milieu-Tech, Déchets fermés objets ouverts
Victor Petit : "Vous m'autorisez à prendre la parole cinq minutes encore ?
Ce qu'il vient de dire c'est essentiel - pour faire écho à Simon - le seul moment où on conçoit la technique comme produit fini, fermé et suffisant, c'est le moment de la vente, donc c'est le moment où le marketing s'est produit, et puis on est beaucoup plus proche d'un objet artisanal fini, comme tel, individualisé etc. Dès lors qu'on sort du supermarché, la technique est faite de cycles, d'hybridations, de jeunesse, d'histoire, et c'est vers ceci qu'il faut tendre. Donc Milieu-Tech ça va exactement dans le sens qui a été dit, mais je vais essayer de préciser tout ça avec quelques exemples de milieux. J'ai dit l'essentiel, une approche territorialisée, située du côté des technologies alternatives ou écologiques. Nicolas Nova parle de numérique situé et Gauthier Roussilhe parle de numérique situé. Ça va loin dans cette idée que le design du milieu est par définition un design situé, il n'y a pas de hors sol et il n'y a pas de "one best way". Et c'est pour ça que c'est une solution plus dure à faire passer parce qu'à chaque fois elle est relative à ce milieu. Je vais essayer de voir d'autres sens du terme milieu. Milieu c'est aussi middle, et donc on pourrait tenter de penser que Milieu-Tech c'est la troisième voie entre la version un peu High-Tech de la convergence du numérique et de l'écologie qui est celle de Rifkin - troisième révolution verte, les Smart Grids, avec votre génération, animée par l'économie du partage, vont conduire vers un internet décentralisé, couplé à des énergies durables - j'y crois que moyen, pour cette raison précisément : décentralisée, hors-sol et apolitique - là où le Low-Tech s'adresserait plutôt à des communes, les premiers villages en transition et puis les villes en transition, etc. Je vous l'ai dit, cette opposition n'est pas satisfaisante, et à l'époque j'avais réfléchi à ça à partir des trois "r" des déchets et je vais surtout insister là-dessus puisque c'est ce sur quoi il a insisté : sur la maintenance."
La Voie du Low-Tech : Penser les "3 r" et surtout la réduction
"Quand on conçoit, on a tendance à oublier, vraiment il faut penser en écologue, c'est arrêter de penser en terme de produit, au minimum on parle en terme de cycles. Une technique c'est au minimum cinq cycles de vie. Et si on a pas ce cycle en tête on est encore au XXe siècle si vous voulez. Donc penser en terme de cycles, et donc là vous avez devant vous les trois "r" de la philosophie du déchet, de l'ingénierie des déchets (réduire, réparer/réutiliser, recycler). Je vais insister sur l'importance du réparer et du réutiliser, qui insistent donc sur la maintenance. En gros pour l'instant on limite l'écologie à l'économie circulaire qui consiste à recycler. Je vous ai dit que j'irai vite donc je vous le dirai pas, mais après je vous avez fait un petit topo sur la Station Spatiale Internationale : 65 milliards de dollars là-haut, on peut pas mieux en économie circulaire, on peut pas mieux en Low-Tech. Ils ont un distillateur d'urine, évidemment, là aussi on ne transforme pas tous les déchets en ressources, alors on ne va pas sur Mars. Donc la base de l'économie circulaire c'est l'économie spatiale, l'écologie called Spatial Engineering. C'est l'écologie de la Terre vue du ciel, l'écologie Top-Down, c'est l'écologie qu'on ne veut pas. Enfin l'écologie en tout cas qui nous mène vers le High-Tech. Penser que l'économie circulaire - un des derniers papiers d'Ecological Economics, c'est la meilleure revue d'économie écologique, revient sur les quatre scénarios possibles de l'économie circulaire. La plupart des scénarios sont des scénarios mainstream, croissance verte etc, et il n'y en a que quelques-uns, c'est-à-dire sous le même mot - parce que vous avez des convictions politiques différentes - pour tirer vers d'autres types de sociétés différentes.
Donc sur ces trois "r" on insiste beaucoup trop sur le recyclage. C'est important de recycler effectivement mais de fait, on se ment sur tout. 1 : le recyclage du CO² est une affaire d'ingénieur et en tant que citoyen vous n'y pouvez rien. 2 : le plastique ne se recycle pas il se décycle, et il faut arrêter de croire qu'on va recycler le plastique, il faut arrêter d'en produire, point à la ligne. Et il faut que la loi redevienne la loi, il faut arrêter d'en produire, il faut que les industriels soit interdits d'en produire. On peut décycler une bouteille plastique en polaire, et une fois que vous avez une polaire vous pouvez pas la re-décycler en bouteille plastique, enfin ça ne se recycle même pas. On le sait, les seuls c'est le verre et l'alu qui se recyclent bien. Les méthodes de l'usage d'autrefois de la consigne sont bien plus efficaces que ce mensonge du recyclage. Enfin il faut aller évidemment autant que faire se peut dans ce sens-là, mais croire que l'économie circulaire, donc le recyclage de tous nos déchets en ressources est la solution, est un mensonge. Et qui plus est, c'est des solutions High-Tech qui vous déresponsabilisent parce que c'est pas vous qui allez nous dire comment on va recycler les métaux lourds dans votre smartphone.
Le recyclage est une des voies mais pas la seule, et c'est la voie que je juge High-Tech. Réduire c'est la voie qui est vraiment Low-Tech au sens du Slow Design mais c'est la voie la plus facile à dire, et la plus dure à faire, la plus efficace. Là il s'agit de réduire la consommation à la source. Donc pour l'exemple qui était le mien : réduire la consommation du smartphone, comme personne n'est prêt à le faire, et bien on est inconséquents. Alors comment on fait, et bien il nous reste le réparer et le réutiliser. Ça c'est vraiment une démarche Milieu-Tech, qui insiste sur la maintenance, pourquoi, qui est plutôt portée par les Hackerspaces, les Fablabs, les Tiers lieux, avec cette idée que notre société comme disait Simondon n'est pas trop industrielle, elle l'est pas assez, ou elle est mal industrielle. Qu'est ce que c'est qu'un objet industriel bien pensé c'est un objet ouvert, 1 : sur ses éléments interchangeables, 2 : sur le réseau modulaire. Un objet artisanal il est fermé, point, on prend un objet et c'est le même. L'industrie bien comprise c'est les éléments en lien avec un réseau. Et donc, à partir de là on peut penser le DFD, Design For Disassembly, donc une modularité et une ouverture des objets, une réparabilité, une réutilisation etc, tout ce qui vient d'être dit du côté de l'hybridation. Toute cette culture-là, c'est celle des Hackerspace, des Makers, … qui n'ont pas peur de mêler le numérique avec leur philosophie du Milieu-Tech, enfin du Low-Tech, qu'on appelle désormais Milieu-Tech.
Donc vraiment focaliser sur la maintenance et c'est aussi en lien avec ce que j'appelais l'économie de la fonctionnalité, c'est-à-dire vendre la fonction et pas le produit. Je prends un exemple qui est connu dans le monde du design qui est l'increvable machine à laver garantie à vie. Ensuite ils viennent la récupérer, donc ils vous vendent bien le service et pas le produit. Si on prend une machine à laver - c’est des designers de l'ENSCI qui ont fait ça - qui s'appelle L'Increvable, dès lors - vous voyez la machine à laver conçue pour durer avec une maintenance facilitée - et dès lors qu'on vous vend l'économie de la fonctionnalité, ils sont obligés pour que leur business model tienne, de vous vendre une machine à laver qui dure. Derrière l'économie de la fonctionnalité il y a forcément une critique interne de l'obsolescence, parce qu'elle est interne à la logique économique de l'entreprise, qui n'a aucun intérêt à vous en vendre plus puisqu’elle vous vend la fonction et pas le produit. SEB s'est lancé sur l'économie de la fonctionnalité, il y a tout un tas d'outils qu'on utilise très peu qui pourraient être pensés sur ce modèle-là. Dès lors qu'on pense la garantie à vie, qui est quand même un bon modèle, parce que le meilleur moyen de limiter vos déchets c'est quand même d'augmenter la durée de vie de vos objets."
Rôle du design : développer l’attachement aux objets
"Pourquoi, et d'autant plus que pour vous, designers, ça permet de reprendre une fonction essentielle qui est de développer l'attachement aux objet. Qu'est ce qu'un design dans un monde du jetable ? C’est du marketing, mais il n'y a plus rien de design. Le but du design c'est de développer un attachement aux objets, parce que je rappelle cette évidence que les objets nous survivrons. La soupière de ma grand-mère m'a précédée et me survivra, c'est-à-dire que je vis moins longtemps qu'une soupière. Cette humilité-là, c'est quand même la base de ce que vous devez retravailler, contre le tout jetable, et pour ça c'est vraiment ces deux "r" un peu oubliés qu'il faut remettre en avant. Évidemment ces deux "r" vont vers l'Open Design, donc la nécessité de lier Co-design et Open Design. Derrière l'Open Design il y a évidemment le libre, quand on s'adresse au numérique, et il y a toute cette philosophie de la maintenance qui accompagne l'économie de la fonctionnalité qui me semble plus révolutionnaire que l'économie circulaire, qui est le seul discours mis en avant par ceux qui ne veulent rien changer.
Voilà, je pense avoir résumé. Et pourquoi “Tiers-Milieu” ? Milieu-Tech c'est aussi penser au tiers, ça a été dit mille fois, hybridation. Et le tiers c'est bien évidemment le tiers des tiers lieux, mais le tiers entre quoi et quoi, entre le privé et le public, c'est toujours ce qui revient entre le travail et le loisir, etc. Derrière le Milieu-Tech il y a aussi - mais ça c'est plus philosophiquement compliqué - cette idée de milieu qui vient subvertir les oppositions.
Mais je vais quand même terminer sur votre culture qu'est le design, dont on ne connaît pas suffisamment l'histoire. Le mot a été proposé tardivement, et on a hésité sur le mot. On a tellement hésité que dans l'article fondateur on se demande si on ne va pas parler de technologie plutôt que de design. Ça m'aurait beaucoup arrangé qu'on garde le mot technologie, on n’aurait pas mis les ingénieurs d'un côté, les designers de l'autre, et on aurait fait vraiment l'unité. « La technologie bien pensée, comme le design, il y a deux pieds ». Haudricourt, qui était cité, son livre c'est La technologie, science humaine ?. Donc la technologie c'est les deux, et le design évidemment doit avoir la double culture : celle des sciences et celle des humanités. C'est comme ça qu'elle est définie par le père des design disciplines, La troisième culture. Donc là on est bien dans le Milieu-Tiers, il y a deux manières de prendre cette troisième culture. Soit vous pensez, comme tentent de faire ceux qui essayent d'instaurer le design comme nouvelle discipline à côté des autres disciplines - derrière ça il y a Stéphane Vial, qui pense qu'il faut créer une nouvelle section CNU du design pour qu'enfin vous soyez reconnus à votre juste titre, et que vous rentriez, ce que je vous souhaite absolument pas, de rentrer dans le carcans académique de l'université, et qu'on vienne ajouter un nouveau numéro aux disciplines -, soit vous pensez non pas la troisième culture à côté des deux autres, soit vous pensez vraiment le tiers comme milieu, non pas comme troisième terme à côté des deux termes, mais comme ce qui vient remettre l'opposition même sans cesse en question. Le tiers, on parle en philosophie de tiers inclus, c'est vraiment l'idée que contre la logique de l'identité, le tiers inclus c'est ce qui vient remettre en question nos dualismes.
Mais penser le design comme milieu au sens de tiers, c'est vraiment l'inscrire dans une position d’indiscipline. Indiscipline ça veut dire qui est sans cesse : votre travail est de médiation, de requestionnement des disciplines instituées pour sans cesse les questionner. C'est ce que j'appelle l'épistémologie du milieu. Et donc quand je parle de Milieu-Tech, c'est vraiment dans une démarche qui cherche à redonner au design sa réelle vocation de tierce culture telle qu'elle a été pensée entre ingénierie et art, pour dire vite.
Merci de votre attention, merci à Nathalie de son invitation, merci à l'isdaT de son accueil au combien chaleureux, et merci à vous pour votre patience, j'aurais aimé voir votre visage en entier."
Bibliographie
en ligne le 06 juin 2019. URL : http://journals.openedition.org/tc/8478.