→ Bruyère Nathalie

Nathalie Bruyère est professeure à l'institut supérieur des arts et du design de Toulouse ; elle monte le projet de recherche (fait [penser] fait) Global Tools, aujourd'hui. L’aboutissement de cette recherche est un ouvrage qui analyse et porte un regard critique sur la relation projet et écologie, travail et société à partir des entretiens de certains fondateurs du mouvement, des bulletins, d’éléments d’archives inédits. Elle est responsable du Studio Les Communs à l’isdaT, qui œuvre chaque année à organiser un travail transdisciplinaire en collaboration avec des laboratoires universitaires comme le CERTOP-CNRS (Centre d'Etude et de Recherche Travail Organisation et Pouvoir), le LISST-CNRS-EHESS (Laboratoire Interdisciplinaire Solidarité, Sociétés, Territoires), et des écoles comme l’INSA (Institut Supérieur des Sciences Appliquées) et l’école d’architecture de Toulouse.

→ Evezard Jean-Marc

Jean-Marc Evezard est professeur d'infographie 2d et 3d à l'isdaT en option design.

site internet : https://lesyeuxcarres.com/

→ Giorgino Laetitia

Laetitia Giorgino est professeur en design à l’institut supérieur des arts de Toulouse et Docteur en Arts. Ses travaux de recherches l'ont conduit à s'intéresser aux rapports entre littérature et informatique. Les questionnements qui la retiennent s'incrivent au croisement de plusieurs disciplines, en accordant une place importante à l'approche philosophique, et traitent d'objets qui amènent des situations de découverte du milieu technique dont ils procèdent.

Geste, histoire 3/4

Caylus : une bastide annexée à un bourg castral

L’espace public au Moyen-Âge est conçu comme un espace homogène et continu. La porte principale donne sur une rue principale qui donne elle-même sur la place principale qui donne elle-même sur la halle. Il y a une approche, une perception de la ville par approche successive que n’offre pas la ville idéale de la Renaissance, dont la vue depuis la porte principale est directe, immédiatement sur le monument et la place centrale de la ville.

Nouvelle organisation du territoire : l’émergence des bastides, villes nouvelles

Le successeurs des vieux comtes de Toulouse : le capétien Alphonse de Poitiers prend possession du Quercy en 1250. Il entend fonder une nouvelle organisation du territoire au travers de villes nouvelles. Comme il n’a pas de réserve foncière, il s’associe avec des propriétaires fonciers pour récupérer du terrain libre. C’est ainsi que naît Villefranche-du-Périgord à quelques kilomètres de Puy-l’Évêque qui est une ville, un nouveau bourg donc de toute pièce avec une organisation tout à fait particulière et nouvelle : absence de château, plus de structure pyramidale, une structure à plat, égalitaire diront certains, rationalisée, qui porte le nom de bastide Gilles Seraphin, Les bastides, villes nouvelles du Moyen-Âge, conférence Cité de l’architecture et du patrimoine.

A Caylus, Alphonse de Poitiers va élargir l’agglomération et procéder à des extensions dans les villes existantes, selon un plan concerté. Il donne aux habitants de Caylus une charte de coutumes définissant le type de maison implantée dans la bastide et les règles de vie communautaire, précisant les attributions des consuls comme celle du châtelain et mentionnant la place où se tenait le marché Dossier d’inventaire fondamental établie en 1982 par Michèle Eclache, docteur en histoire, consulté le 26/02/2017. http://patrimoines.midipyrenees.fr/fileadmin//DOC_LIE/IVR73/IA82DVER/IA00065659_02.PDF. La nouvelle communauté s’organise autour d’une administration démocratique, la ville est administrée par des consuls, élus par les nouveaux habitants.

Le vieux castoréum perd sa raison d’être en tant que noyau économique, le château cesse d’être le lieu central autour duquel s’organise l’agglomération. En même temps, la ville prend de l’importance économique – son marché existait depuis peu en 1247.

Les caractéristiques des bastides.

Les caractéristiques des bastides

Dans cette partie nous allons maintenant nous intéresser aux caractéristiques des bastides, toujours poussés par la volonté de mieux saisir les spécificités de la ville de Caylus.

D’après les historiens, une bastide a un plan témoignant d’une structure planifiée, c’est une sorte de ville idéale avec un tracé extrêmement rigoureux, planifié et rationnel. Pour identifier les bastides, les historiens s’appuient sur le plan cadastral napoléonien.

Plan du village de Grenade, archétype de bastide. Plan cadastral de 1827 ; Plan cadastral de Caylus, 1836, D1, 1/1250e ; Plans d’îlots binaires caractéristiques dans différentes villes médiévale du Sud-Ouest de la France. Îlot rue Droite
Crédits : service de la connaissance du patrimoine, Région Midi-Pyrénées (reproduction) (c) Inventaire général Région Midi-Pyrénées ; Dossier d’inventaire fondamental établie en 1982 par Michèle Eclache ; article de Gilles Séraphin « Un modèle de parcellaire médiéval, le parcellaire binaire. »

Un plan rigoureux

Plusieurs caractéristiques émergent quand on regarde le plan d’une bastide archétypale.

Les rues se coupent à angle droit, la place publique n’est généralement pas au centre. Cette place qui est affectée au marché (le mercadial), est une place fermée, hermétique à la circulation (à l’époque du Moyen-Âge). Le marché est bordé sur rue couverte (avec des arcanes) et communique avec des rues principales qui ont une forte densité commerciale.

Les îlots d’habitation sont recoupés par des rues secondaires qui sont des ruelles de desserte qui font deux mètres de large environ. On parle de « parcellaire binaire » pour désigner l’organisation de la rue principale qui fait se succéder 1 ruelle, 2 rangées de maison, 1 ruelle, 2 rangées de maison.

La place du commerce dans la ville

Les maisons de marchands

Du XIIIe aux XVe siècles, la ville se définit par son rôle économique, qui appelle des types de maisons particuliers, les maisons de marchands. Dans les rues marchandes, les maisons, souvent étroites, donnent sur la rue par leur mur pignon et ont une boutique au rez-de-chaussée. Elles s’élèvent en hauteur pour l’habitation et disposent de caves sur un ou plusieurs niveaux pour le stockage des denrées vivrières, du vin et des marchandises http://passerelles.bnf.fr/batiments/maison_urbaine_planche.php.

Images extraites du site web Passerelle(s) http://passerelles.bnf.fr/batiments/maison_urbaine_planche.php

BOUTIQUE, s. f. Salle ouverte sur la rue, au rez-de-chaussée, dans laquelle les marchands étalent leurs marchandises. Il n’est pas besoin de dire que l’usage des boutiques appartient à tous les pays, à toutes les époques et à toutes les civilisations. Dans l’antiquité grecque et romaine, des boutiques occupaient le rez-de-chaussée des maisons des villes ; il en fut de même en France pendant le Moyen-Âge. Ces boutiques se composaient ordinairement d’une salle s’ouvrant sur la rue par un grand arc prenant toute la largeur de la pièce, avec un mur d’appui pour poser les marchandises. Ce mur d’appui était interrompu d’un côté pour laisser un passage. Un arrière-magasin (ouvroir) était souvent annexé à la boutique, les ouvriers et apprentis travaillaient soit dans l’ouvroir, soit dans la boutique elle-même ; quelque fois aussi un escalier privé montait au premier étage, et descendait sous le sol dans une cave.

La ville étant dédiée au commerce, les maisons de marchands constituent l’icône de l’habitation urbaine. L’espace de vente est situé au niveau de la rue ; la boutique est appelée « ouvroir », car elle ouvre sur la rue par l’intermédiaire d’une large ouverture dotée d’une arcature à travers laquelle les passants peuvent vérifier de visu la qualité des produits exposés et celle du travail artisanal qui s’effectue dans l’atelier ou la boutique. Une planche de bois, à usage de volet, est rabattue pendant la journée pour servir de comptoir. Cette planche, débordant et empiétant sur la rue, est soutenue par un ou plusieurs piquets. La localisation des lieux de travail au rez-de-chaussée, alors que les espaces de vie sont aux étages, caractérise la maison du marchand et de l’artisan. Mais ces deux registres s’interpénètrent : on sait, grâce à des documents appelés inventaires après décès, qui listent les biens des familles après la mort d’un des membres, que les chambres servent aussi de lieux de travail et que les stocks de denrées ou de biens destinés à la vente sont rangés un peu partout dans la maison, de la cave au grenier en passant par la cuisine et les chambres à coucher. Sous la maison, des caves s’étendent sur un à trois niveaux, parfois plus. Des soupiraux éclairent les pièces en sous-sol Viollet le duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture..

Caylus, la maison des Loups. Carte postale, vers 1900 ; Caylus, une rue droite. Carte postale (cl.S.COUSI, Caylus), vers 1900 (coll.Particulière, Caylus). Repro. Notez le pavage du trottoir et des canivaux.
Caylus, place du Marché. Carte postale (cl.TH.DEJEAN et Ad.VAISSIES), après 1905 (coll.particulière, Caylus). Repro. Vue d’ensemble depuis le Nord. La halle a été déplacée.
Place de la Mairie. Vue d’ensemble du côté Sud où sont les « couverts » ; « Couverts ». Vue d’ensemble depuis l’Est. Photographie, vers 1900 (A.D.Tarn-et-Garonne : fonds iconographique, Société archéologique, 23/27). Repro.

Les Venelles

Autre caractéristique notable du plan, les maisons sont séparées par des venelles larges de 30 cm et qui sont des venelles séparatistes. Ces venelles séparatrices sont impropres à la circulation parce qu’elles sont trop étroites. Ces venelles étaient destinées à recevoir les eaux usées, les éviers, les latrines, les eaux de toitures, ce sont des égouts à ciel ouvert. D’après l’historien Gilles Seraphin, ces venelles avaient une autre fonction : elles permettaient de supprimer le problème de la mitoyenneté, chaque habitant pouvait construire une maison sans créer de problème de voisinage parce qu’il ne s’appuyait pas sur le mur de la maison construite précédemment. L’église n’est plus le centre de l’agglomération comme ce fut le cas avec les bourgs ecclésiaux, mais elle communique avec la place.

En temps normal, la venelle est une petite rue ou une ruelle, souvent courte, reliant deux autres rues plus importantes. Ce terme, d’usage vieilli, est un dérivé du mot veine auquel on a ajouté le suffixe à valeur diminutive -elle. Mais au Moyen-Âge, ce nom est surtout utilisé pour signifier le tout petit écart (50cm maximum) entre chaque maison, recueillant de manière très discrète toutes les évacuations individuelles de chaque maison. Avec un faible pourcentage de pente en direction de la rue, elles permettaient de faire écouler l’eau en direction des égouts centraux à l’époque. L’eau usée des éviers et des latrines se déversaient donc directement dans ces espaces exiguës avant de se diriger dans les espaces urbains, à la vue de tous. Il y avait donc un espace entre le mur intérieur de la maison et celui de l’extérieur, comme une sorte de gouttière cachée, pour que les liquides éclaboussent le moins possible. Après l’observation de propagation de bon nombre de maladies dans toutes ces eaux qui stagnaient dans les rues, les évacuations furent donc revues de manière plus stratégiques, et tendirent à être de plus en plus enfouies.

Les venelles sont des petites rues ou ruelles, très étroites, reliant deux autres rues plus importantes. Elles permettent aussi de séparer les maisons selon les normes de construction du Moyen-Âge.

«Les ruelles d’isolement entre les maisons, qu’elles fussent simples ou jumelles, avaient nécessairement amené les architectes à élever les murs goutterots sur les ruelles et les pignons sur la rue. Ces ruelles, qu’en langage gascon on appelle endronnes, existaient même parfois lorsque les maisons formaient portique continu ou allée couverte sur la rue, disposition assez fréquente dans les bastides françaises et anglaises bâties aux XIIIe et XIVe siècles sur les bords de la Garonne, de la Dordogne, du Lot et dans les provinces méridionales. On conçoit parfaitement pourquoi, s’il fallait laisser des ruelles entre les propriétés, on réunissait deux lots pour profiter du terrain d’une ruelle. De deux maisons, deux propriétaires n’en faisaient réellement qu’une, avec mur de séparation dans l’axe du pignon. Toutefois cette méthode est rarement employée. Les ruelles entre les maisons n’ont quelquefois que la largeur d’un caniveau, ainsi qu’on peut le constater encore dans la ville de Montpazier. » Viollet le duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture.

C’est une des rares venelles de la ville qui a été comblée mais reste tout de même accessible s’il y a des dégâts au niveau des évacuations.

Ces ruelles étroites en plus de séparer les bâtisses servaient de chenal pour les évacuations des eaux usées et des latrines.

À la fin du Moyen-Âge, les eaux pluviales, considérées à juste titre comme plus saines que les eaux de puits ou de rivières, sont collectées par des gouttières et recueillies dans des tonneaux placés à la porte des maisons. Ces tonneaux servent en cas d’incendie. Pour limiter les désagréments de la pluie et l’usure des murs ou du bois des portes que les intempéries entraînent, un auvent abrite souvent l’entrée de la demeure.

Éléments de la maison urbaine au Moyen-âge

Les toilettes, dites « Latrines »

Certaines latrines évitent ce dispositif et sont situées dans un petit local construit en encorbellement au-dessus d’une ruelle sanitaire aménagée entre deux maisons. Les déchets s’y empilent et sont ensuite récupérés pour enrichir le compost du jardin.

Parfois, il s’agit simplement d’une petite construction en planches installée au fond du jardin et donnant directement sur un ruisseau. En forme de cabine, elles portent le nom de « cabinet ».

Dans les jardins des maisons les plus modestes, sont creusés les puits, les latrines et les fosses à usage de dépotoir. Les habitants élèvent aussi de la volaille, des cochons, et y cultivent quelques légumes.

Les latrines fonctionnent selon le principe d’évacuation gravitaire, les excréments tombant dans le vide et s’évacuant avec les eaux des douves ou de canaux aménagés. Les plus courantes sont les « latrines à encorbellement » placées en surplomb du fossé. Faciles à mettre en œuvre donc moins onéreuses, elles sont sous forme de guérites en bois, de simples bretèches aménagées (typiques des châteaux forts) ou de logettes en pierre rectangulaires accolées à un mur et reposant sur des corbeaux.

Les autres types sont aménagées dans l’épaisseur du mur : les latrines à conduit biais débouchent sur l’extérieur par une paroi oblique, impliquant un ruissellement le long des murs ; les latrines à fosse ont des conduits intérieurs aux murs donnant sur une fosse vidangeable située au sous-sol, plus rarement au rez-de-chaussée. Ce dernier type évite la pollution visuelle et olfactive des latrines précédentes (dont le seul moyen de nettoyage est l’eau de pluie) mais est également source de nuisances en emprisonnant les odeurs au sein du bâtiment.

Une latrine est composée de plusieurs éléments :

- Une fosse, dans le cas d’une latrine sèche, ou un système d’évacuation des excréments ; la fosse peut être renforcée ou non, en béton ou en maçonnerie.

- Une dalle, en béton ou en bois, percée d’un trou et éventuellement recouverte d’un siège. Quand les personnes s’accroupissent, des emplacements sont prévus pour poser les pieds et ne pas les salir.

- Une superstructure, qui dans sa forme la plus simple est constituée de branchages et de bâches, mais peut aussi prendre l’allure d’une maisonnette en bois ou en briques. La superstructure est recouverte d’un toit et peut comprendre divers éléments tels qu’une porte, un conduit de ventilation menant à la fosse, parfois une arrivée d’eau à l’extérieur.

Petit évier, comme un « lave-mains », accolé à une ancienne latrine sur la gauche. Celui-ci est simplement composé de deux murs bas en pierre sur laquelle la vasque vient prendre appui. La volonté n’était pas décorative. Caylus, rue droite.

Les éviers

Les éviers médiévaux sont généralement abrités dans de grandes niches. Ces structures simples présentent le plus souvent une dalle creuse formant une cuvette dotée d’un système d’évacuation, encadrée parfois par deux tablettes disposées un peu plus haut.

Les eaux usées s’écoulaient souvent par un conduit ménager dans le mur jusqu’à une fosse située dans la cour ou dans la venelle, nichée entre deux maisons voisines.

Les modes d’évacuation pouvaient cependant varier d’une maison à une autre. En effet, certaines maisons avaient un système d’évacuation qui collectait les eaux dans un récipient placé sous la cuvette. D’autres maisons n’avaient qu’un écoulement direct dans une « andronne », c’est-à-dire dans une sorte de ruelle très étroite entre deux maisons servant d’égout à ciel ouvert.

Evier un peu particulier dans la maison Frauciel : les deux rebords les plus hauts paraissent comme des égouttoirs servant d’appuis. L’évacuation se fait sur le plateau le plus bas. Caylus, rue droite ; Ancien évier, maison Frauciel, rue Droite, janvier 2017
Crédit : Théo Lacroix.

Les cheminées

A Caylus, nous retrouvons au moins une cheminée par habitation. Celles-ci permettaient à l’époque non seulement de chauffer l’appartement mais encore d’utiliser le foyer pour les besoins domestiques. Au XIe siècle leur usage était général ; elles pénétrèrent peu à peu dans les riches demeures et amenèrent la suppression des hypocaustes (système de chauffage par le sol utilisé à l’époque romaine). Ces cheminées du début du Moyen-Âge sont énormes ; elles tenaient presque toute la largeur des salles, on y mettait des bancs, et des escabeaux pour s’asseoir dedans et dessous.

Certaines cheminées dans les habitations actuelles de nos paysans sont construites sur un modèle analogue et c’est sous leur manteau que se passent les longues veillées d’hiver. Elles ne consistèrent d’abord qu’en une simple hotte pyramidale suspendue au-dessus du foyer ; plus tard on les munit d’un chambranle porté sur deux montants appelés jambages ou pieds-droits et d’une frise supportant une tablette horizontale.

Elles étaient en pierre, albâtre ou même marbre suivant la richesse du propriétaire... Beaucoup étaient habillées d’ornements en peintures, dorures, sculptures.

Ancienne cheminée, maison Frauciel, rue Droite, janvier 2017
Crédit : Théo Lacroix.

Les caves leurs formes et leurs fonctions

Caves et greniers ont longtemps été les parents pauvres des études consacrées à la maison médiévale urbaine, qui s’attardent plus volontiers sur les pièces, la mise en œuvre plus soignée du logis ou sur les espaces à vocations artisanales ou commerciales plus loquaces, tels les boutiques. Les deux caractéristiques principales de la cave sont sa situation enterrée et sa fonction de stockage qui semblent lui assigner, de fait, un rôle subalterne dans la maison.

L’implantation de la cave

En contexte urbain, la cave est située sous la maison. L’évidence de cette affirmation mérite toutefois d’être illustrée et nuancée. La grande majorité des salles principales des caves du XIIIe au XVe siècles sont implantées, comme les maisons, perpendiculairement à la rue dans des parcellaires étroits divisant les fronts de rue très prisés entre un maximum d’usagers. Dans les centres des villes où la pression foncière est importante, les caves constituent un gain de place sous la maison, mais aussi au-delà en s’étendant fréquemment sous la rue ou la place. Il existe différentes typologies de caves.

Les caves creusées

La forme la plus rudimentaire de la cave est la structure excavée dans le substrat sans habillage ou renfort de maçonnerie. La finalité première de ces creusements n’est pas nécessairement la création d’un espace de sous-sol à la maison. Les carrières d’extraction de matériaux de construction, à même le substrat sur lequel s’élève la ville, offrent de vastes espaces qui sont remployés dans les maisons. Elles sont pratiquées à l’intérieur du soubassement du rempart entièrement construit en gros blocs calcaires récupérés dans les édifices antiques. Leurs parois sont alors formées par les blocs de parement du soubassement du rempart et leur recouvrement horizontal par le béton bloque la partie supérieure du rempart.

Les caves architecturées

Avec une mise en œuvre souvent moins soignée que celle réservée aux élévations de la maison, les caves architecturées pourraient être un lieu privilégié pour l’examen des techniques de construction. Leurs parements sont le plus fréquemment dépourvus d’enduit et conservent des traces apparentes du chantier, comme, par exemple, les négatifs des planches de coffrage sur l’intrados des voûtes ou encore les trous d’encastrement des cintres. En outre, contrairement aux pièces d’habitation, les caves ont la plupart du temps échappé aux multiples remaniements des époques modernes et contemporaines.

Les caves planchéiées

Le plancher est le mode de recouvrement qui dégage le plus d’espace dans la cave et il est également plus facile à mettre en œuvre que les voûtes ; pourtant les caves planchéiées sont moins nombreuses que les caves voûtées dans le sud de la France. La conservation plus difficile des structures en bois l’explique en partie. Les planchers pouvaient également être ancrés directement dans les murs, reposer sur des décrochements de la maçonnerie ou encore sur les supports qui reçurent dans un second temps des voûtes.

Les accès

Bien que située sous la maison, la cave n’est le plus souvent pas subordonnée à celle-ci. La relation directe avec la rue est en effet privilégiée dans le plus grand nombre de caves du XIIe au XIVe siècles. Plusieurs formules sont déclinées dans les structures de ces accès sur rue. Les portes à l’aplomb de la façade, en rez-de-chaussée et de plain-pied avec la rue, ouvrent sur des escaliers dont le massif de maçonnerie est établi dans le volume de la cave. Malgré la perte de place occasionnée, ce parti pris est fréquent. Diverses solutions permettent de dégager l’espace sous l’escalier : soit le mur abrite une niche, plus ou moins spacieuse, soit il est totalement dégagé et l’escalier est porté par une voûte en arc rampant comme au Puy.

Les ouvertures d’éclairage et de ventilation

Enterrées, les caves sont des espaces sombres et frais. Selon l’usage qui en est fait, ces caractéristiques peuvent être des atouts ou des inconvénients. Les caves destinées à remplir des fonctions multiples sont pourvues de nombreuses ouvertures : portes, soupiraux ou jours, puits de lumière ou simples trous dans les voûtes. Elles sont cependant souvent limitées aux deux extrémités de la salle dans les parcellaires denses des centres urbains. Les vantaux des portes des caves accessibles depuis la rue peuvent être ouverts dans la journée, ce qui assure un large éclairage diurne et une ventilation importante. Comme pour les rez-de-chaussée, certaines caves sont de plus pourvues d’ouvertures supplémentaires en façade assurant ventilation et éclairage lorsque les vantaux des portes sont fermés.

Puits de lumiére, cave de la maison de M. Médal, rue Droite, janvier 2017
Crédit : Margaux Zuppel.

Fonctions et usages des caves

Utilisation des caves à des fins commerciales ou artisanales : les notions de propriétés multiples et de location divisant des édifices en entités aux usages et usagers différents commencent à être abordées pour les maisons du Moyen-Âge. Malgré sa situation, inféodée à la maison, la cave pouvait être ainsi louée ou utilisée indépendamment. Un accès indépendant est alors indispensable. Il peut être direct depuis la rue ou simplement indépendant de la distribution du logis ce qui pose alors la question du fonctionnement bipolaire de la maison avec des espaces d’habitation et de servitudes liés au logis et d’autres, indépendants, de production et de commerce. Inversement, certaines formes semblent exclure des utilisations autres que domestiques : l’escalier en vis se prête mal au maniement de charges lourdes ou encombrantes. Pour les caves dont il constitue le seul accès, on peut exclure d’autre utilisation que celle de resserre domestique.

Usages domestiques

Les fonctions domestiques, usages privatifs de la cave par les habitants de la maison, impriment moins encore leur marque dans l’architecture que les fonctions commerciales ou de négoce. Le stockage des denrées alimentaires et du vin ou verjus destinés à la consommation de la maison est la fonction première de la cave à usage domestique. Les caves peuvent enfin remplir des fonctions complémentaires de l’habitat, qui dans l’architecture rurale prendrait la forme de dépendances du logis. Rares sont donc les caves avec un programme architectural répondant à une destination précise et exclusive et leurs changements d’usage sont nombreux au fil du temps. L’abandon progressif de leur utilisation économique et notamment commerciale à partir du XVe siècle en est sans doute l’évolution la plus importante. Le glissement des fonctions commerciales vers des usages plus domestiques se traduit essentiellement par l’abandon des accès directs depuis la rue en faveur des communications avec le rez-de-chaussée, le plus souvent sous la forme d’escaliers en vis.

Cave de M. Médal qui communique avec la maison à côté, rue droite, janvier 2017
Crédit : Margaux Zuppel.

L’eau dans la construction des bastides et des villes

Le rôle de l’eau au cours du temps est l’élément essentiel à la construction des bastides et villes dans le temps. Mais le rapport à l’eau a évolué au fur et à mesure du temps. Les bastides se sont constituées autour des puits et des points d’eau, tandis que l’essor des villes s’est fait par la présence des ruisseaux et des fleuves. L’eau est l’élément, un bien commun et la structuration des différentes typologies de ville qui se construisent et tirent leurs fondements sur des trames bleues. L’identification de l’eau, depuis l’époque Romaine, passe par l’association de la vie égale l’eau. Dans les bastides, les familles accèdent à l’eau par les puits mais aussi par les éviers intérieurs, les animaux jouent un rôle important dans l’écosystème comme élément d’épuration. L’artisan a pris son essor dans des villes où l’eau est un élément dynamique grâce à son écoulement et son abondance. Le courant des fleuves devient une force et l’abondance de l’eau une capacité à développer de l’activité économique liée à l’artisanat. C’est le cas de Rouen en 1250. Petit à petit, l’eau devient un élément de la structuration industrielle, car les aménagements urbains la canalisent pour créer des réseaux de canaux. Dès 1750, des problèmes liés à la stagnation, l’eau fongique devient un problème. On engage des travaux de fermeture des canaux. La trame bleue disparait visuellement en grande partie. Le siècle des lumières voit le développement du chlore qui permet une évolution de l’énergie. S’installe dès le 19e siècle la version hygiéniste avec la perte de « l’origine » de l’eau. Cette vision développe l’eau courante et potable et les égouts. Le 20e siècle organise la marchandisation de l’eau, nous noterons dès les années 80 la domination de l’homme sur l’eau, dans la publicité entre autres.

Les enjeux actuels sur l’utilisation de l’eau au niveau mondial mettent en perspective la surconsommation qui engendre une raréfaction de celle-ci. La création d’une nouvelle trame bleue devient un enjeu majeur pour reprendre possession et établir un rapport à l’eau différent.

Plan de la ville de Rouen vers 1250, la ville voit son essor par l’arrivée de l’artisanat qui se développe grâce à l’eau ; Création des égouts et des canalisations au siècle des Lumières. Domination d’une vison hygiéniste, de la chimie, des mathématiques.
m 3 d’eau utilisé en fonction des pays avec les prévisions sur la pénurie moins de 1 000 m3 par personne par an, le stress hydrique de 1000 à 1700 m3 par personne par an, la vulnérabilité hydrique de 1700 à 2500 m3 par personne par an pour les zones jaune, jaune claire et bleue claire ; L’eau dominée - Publicité pour la marque Hépar.
Station de retention et d’épuration des eaux.
Norme d’évaquation des différents éléments de l’habitat
Photographie de la trame bleue du village Hari au Japon avec les carpes éboueuses et l’usage de l’eau
Crédit : http://jardinsbotaniquesjaponais.blogspot.fr

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