Journée d'étude Habitat et précarité
Présentation de la journée d'étude
Aujourd’hui encore, une part considérable de nos semblables — sans-abri, roms, réfugiés, migrants — frappés par une misère aux formes variées, vit sur une durée plus ou moins longue, dans des conditions de logement extrêmement difficiles. L’architecture, le design, en tant que disciplines inscrivant le souci de l’espace entre nous au cœur de leurs réflexions, ne peuvent pas ne pas être inquiétées par les problèmes de l’habiter.
De plus en plus souvent, ces disciplines se trouvent requises et réclamées pour faire face aux situations d’urgence. Une attente est nourrie à leur égard. Si elles peuvent dans quelques cas contribuer à améliorer temporairement les conditions de vie de personnes en transit ou sans logis, il est important de garder à l’esprit qu’elles ne peuvent pas se substituer au politique.
En les sommant de répondre à des situations dont les enjeux les dépassent, elles risquent d’être prises en défaut, de se trouver dépourvues de ce qui a pu (et peut encore ?) faire leur histoire. Dès lors, il incombe aux architectes, aux designers (et à celles et ceux qui pensent ces disciplines) de déplacer la demande qui leur est faite. Déplacer la demande, traiter autrement des problèmes de l’habitat et de la précarité, telle sera l’une des premières ambitions de la journée d’études. L’architecture, le design doivent-ils trouver des remèdes à la pauvreté ou bien cette pauvreté peut-elle être, par ces disciplines, paradoxalement recherchée ? Qu’appelons nous aujourd’hui pauvreté ? Dans quelle mesure une situation de pénurie dans les moyens nous amène-t-elle à repenser nos façons d’occuper l’espace ?
Ces questions seront abordées de manière transdisciplinaire. Dans un premier temps l’économie et la sociologie seront convoquées pour sonder les causes de la précarité, analyser leurs incidences sur l’habitat et étudier les situations d’habitabilité relatives à différents types de territoires. Nous tâcherons ensuite de penser des hypothèses envisageant « l’état de pauvreté » de manière positive, en identifiant plus finement la différence de sens entre précarité et pauvreté : l’être pauvre n’est pas un être misérable, c’est d’abord un être qui n’est pas dans un luxe d’équipement, ni dans un extrême confort1. En état de manque, l’architecte, le designer sont portés à accorder une attention toute particulière à ce qui est déjà là. Qu’elle soit subie ou choisie, la pauvreté peut être porteuse d’une certaine vivacité.
C’est à cette vivacité, au cœur même de l’expérience de la défaillance, que l’on s’intéressera en se penchant sur les propositions de ces disciplines qui, décentrées de leur position de « répondant », développent d’autres protocoles formulant d’autres types de fabrications (projets initiés par le collectif Pérou), de relations d’acteurs (architectures avec les habitants — Patrick Bouchain) et de pratiques (collectif Assemble). À travers l’étude de cas concrets ou de projets encore non réalisés, nous évoquerons pour chaque situation les paramètres logistique, organisationnel, économique et humain qui ont été pris en compte par les architectes et les designers pour développer, parfois de façon collaborative, d’autres manières d’habiter et de construire aussi bien les espaces privés, publics que sociaux. Nous verrons que malgré l’apparente pauvreté de moyens techniques mis en œuvre, la dimension esthétique de ces réalisations n’est pas en reste.
Enfin, au travers de démarches artistiques, nous observerons comment de certaines situations périlleuses volontairement provoquées peut émerger un art de la débrouille, des façons de faire avec les moyens du bord.
Les intervenants
Mireille Bruyère
Vers une société de travailleurs sans travail ?
Mireille Bruyère est maître de conférence en économie à l’Université Toulouse — Jean Jaurès. Elle est membre du Conseil Scientifique d’ATTAC France, du CERTOP et travaille sur les enjeux du travail et de l’emploi.
Frédérique Mozer
Réflexions sur l’état du mal logement en France en 2016
Après une formation en sociologie et travail social, Frédérique Mozer a commencé à travailler à la Fondation Abbé Pierre à Paris en 2000, sur diverses missions de développement de projets de logements accompagnés aux côtés du réseau associatif national. Elle est en charge de l’agence régionale Languedoc-Roussillon—Midi-Pyrénées depuis 2014.
Cyrille Hanappe
Cyrille Hanappe est architecte et ingénieur. Il est directeur pédagogique du Diplôme de Spécialisation en Architecture des Risques Majeurs de l’École Nationale Supérieure d’Architecture Paris — Belleville. Associé dans l’agence d’architecture AIR, il est également président de l’association Actes & Cités qui a pour objet de faire pour la dignité des personnes dans leur cadre de vie en France et dans le Monde.
Marie-Christine Jaillet
Qu’est-ce qu’habiter dans les territoires urbains précaires ?
Marie-Christine Jaillet est sociologue de la ville et directrice de recherche au CNRS. Spécialiste de la ville, elle poursuit des travaux sur la périurbanisation, les modes d’habiter, mais également sur les processus de métropolisation et leur impact sur les modes de gouvernance urbaine. Elle travaille aujourd’hui au développement d’un Institut de la Ville à Toulouse. Elle vient d’être nommée à la présidence du CODEV (Conseil de Développement) de Toulouse Métropole.
Antoine Aubinais, Bellastock
Antoine Aubinais est architecte HMONP, diplômé de l’ENSA Paris — Belleville en 2010, co-fondateur de Bellastock en 2006 et président de l’association jusqu’en 2012. Il a travaillé dans des agences d’architecture parisiennes, avant de se consacrer complètement au développement de l’association Bellastock.
Laurent Tixador
D’autres façons d’habiter le paysage
Artiste aventurier aux actions extrêmes, Laurent Tixador privilégie la performance et travaille de manière expéditionnaire. Il met à l’épreuve ses capacités physiques autant que la définition de «l’être artiste». Ses périples permettent de fabriquer des situations qui influencent son comportement et proposent des opportunités. L’expédition est pour lui un travail d’atelier, d’autant que lors de ses pérégrinations, il bricole de petits objets avec les matériaux qu’il trouve sur place.